Chapitre 1

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Impossible. Comment je pourrais en même temps sauter au dessus de la barre et attraper le cerceau ? Si je tente le coup, je me ramasserais à l'arrivée, sans aucun doute. Et tout le monde se moquera de moi, le prof en premier. Et Mila me verra comme un pauvre incapable. Elle ne devrait pas être là, mais nos profs ont voulu faire un cours en commun exceptionnellement pour aujourd'hui. Au péril de mon mini honneur.

Et une autre chose est impossible dans ce lycée : avoir l'air un minimum classe à côté de Dylan, LE beau gosse du lycée. Sérieusement, ce type est le Légolas des humains.

- Bon, tu comptes planter la tente, ou tu bouges ?

Dylan. Ça faisait longtemps qu'il ne m'avait pas humilié devant les autres. Ça devait lui manquer. Je m'avance lentement, tremblant mais tentant de le cacher. Alors que je compte prendre mon élan, Dylan arrive par derrière, me pousse si violemment que je tombe au sol, et rit en ajoutant, pour bien m'achever :

- Et en plus il a la tremblote, le caniche !

Ah oui, j'ai encore oublié de préciser : je suis un mec de taille moyenne, yeux verts, look passe-partout, mais j'ai un point faible : des cheveux bouclés, limite frisés. Dont j'étais très fier avant qu'un abruti sorte une absurdité : les cheveux bouclés, c'est bon pour les tapettes. Résultat : certains ce sont rasés la tête, d'autres ont changé de lycée (choix extrême de ceux qui avaient eu le malheur de partager la classe de Dylan). Moi je n'ai rien changé, mais mes amis m'évitent : traîner avec une tapette, ça veut dire qu'on en est une aussi. Moi au moins j'ai le courage d'assumer ce que je suis. Certains préfèrent être jugés qu'être seuls, moi je préfère être seul qu'être jugé. Il est HORS DE QUESTION que je touche à mes cheveux châtains foncés bouclés.

Dylan, fier de m'avoir rabaissé, fait ce que demande le prof, comme si il était né pour ça, comme pour tout le reste. Des applaudissements, des filles qui le congratulent, des tapes sympathiques dans le dos, des sifflements admiratifs, un clin d'œil du prof, la totalité de ce que je n'aurais jamais. Et ça n'a même pas l'air de l'atteindre. Justice. Quelqu'un connaît-il ce mot ?

Je tente de trouver Mila parmi les filles qui retournent au vestiaire, mais je dois renoncer, sinon les autres garçons vont fermer la porte pour que je ne puisse plus rentrer. Ce ne serait pas la première fois.

À la sortie de la zone de sport, je manque de faire tomber mon sac : elle m'attend. Mila Underman m'attend. Je me retourne pour vérifier que je suis bien le dernier, puis je me dis qu'elle veut sûrement voir le prof. Plus que moi. Mais non, quand j'arrive à sa hauteur elle sourit et se met à marcher à mes côtés. Je ne dis rien, de peur d'avoir l'air ridicule, de bafouiller, de parler trop doucement, car pour le moment je ne connais plus un mot de français. Je regarde autour de nous discrètement, pour voir si personne ne nous surveille, si tout ça n'est pas une blague. En même temps ce ne serait pas du genre de Mila. Elle est sûr d'elle-même, joyeuse, mais ne fréquente pas trop les populaires. Elle ne se moque de personne. Et elle est belle. Cascade ondulée de cheveux noirs, yeux de glace, mains de dessinatrice, fossettes accompagnants ses sourires.

J'ose enfin lui lancer un regard. Ce qui lui donne visiblement le signal pour qu'elle puisse me parler :

- Tout à l'heure. Faut pas que tu fasses gaffe à Dylan, il se croit au-dessus de tout le monde. Moi non plus je l'aurais pas fait, c'est impossible sans se vautrer à l'arrivée.

- Merci. Et pour Dylan, ça fait bien longtemps que je ne l'écoute plus, sinon je serais dépressif.

Elle rigole doucement. Je me sens rougir. Merde.

- Tu manges avec qui à midi ?

- Quoi ?

  Comment avoir l'air idiot à la perfection.

How To BiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant