Chapitre 43

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▪ Magnus ▪

La soirée s'est déroulée beaucoup plus calmement que ce à quoi je m'attendais quelques heures plus tôt. J'ai fait de mon mieux pour qu'Anna ne puisse pas comprendre comment les mots de son grand-père m'ont atteint et je crois que je n'avais jamais autant résisté à l'envie de me faire vomir, de toute ma vie. Quand elle s'est enfin couchée, j'ai pu cesser de camoufler mon angoisse mais je n'ai pas cédé et, sans me paraître impossible, je ne pensais pas que j'aurais assez de volonté et de contrôle.

C'est en me réveillant en sursaut au beau milieu de la nuit que je réalise que je vais devoir continuer mes efforts quelques heures. Jusqu'à ce qu'il soit une heure raisonnable pour aller courir. Il n'est que trois heures du matin. Je repose mon téléphone en soupirant puis ma tête sur l'épaule de mon petit ami. Il dort toujours profondément alors j'essaie de me concentrer sur sa respiration pour parvenir à retrouver le sommeil. Malheureusement quand je ferme les yeux, je vois mon père et me souviens que c'est à cause de lui que je me suis réveillé. C'est pathétique. Un homme dans la trentaine ne devrait pas faire de cauchemar de son père. C'est sûr que je n'ai pas beaucoup de bons souvenirs de lui. Bon, d'accord, je n'en ai aucun, et ce n'est ni une façon de parler ni pour dramatiser, c'est la vérité. J'y ai déjà réfléchi, par le passé.

Je frotte mon visage et essaie d'emmener mes pensées ailleurs qu'à Chicago ou loin du mauvais rêve qui continue de vouloir se rappeler à ma mémoire. Je me fige alors qu'Alexander bouge un peu pour se tourner, mais il ne se réveille pas. C'est un soulagement, je n'ai pas envie de l'empêcher de dormir. Enfin, pas comme ça. Je m'écarte, pour ne pas plus le déranger, et referme les yeux.

— Je t'assure que s'il l'était, il serait différent !

Malgré mes efforts, mon esprit finit par remettre en place les morceaux de ce rêve qui ressemble à un amoncellement de souvenirs. Parce que les pièces n'arrêtent pas de changer, parfois c'est la cuisine, le salon ou la chambre. Mais il y a une chose qui ne change pas, l'attitude de mon père à mon égard. Peu importe l'endroit où il le fait, il continue de se plaindre encore et encore à ma mère de ce que je suis. Cela dit, il ne pourrait pas en être autrement, tous mes souvenirs de lui sont comme ça ou presque, et je ne pense pas avoir assez d'imagination pour inventer des souvenirs où il agirait comme un vrai père.

— C'est dans les gênes...

Cette fois, je me redresse, agacé que mon esprit ne veuille pas me laisser me rendormir. En prenant mille précautions, je me lève, attrape mes vêtements et sors de la chambre. Je m'habille dans le couloir avant de descendre pour aller m'étaler sur le canapé. Otis lève la tête en me voyant passer et il s'approche en gémissant. Je caresse sa grosse tête qu'il finit par poser sur ma cuisse.

Je n'arrive pas mieux à dormir, mais au moins je ne m'inquiète pas de bouger, ce que je fais à chaque fois que la voix de mon père résonne dans ma tête. C'est fatiguant mais je finis par ne plus réussir à penser à autre chose. Ce ne sont que souvenirs après souvenirs, reproches après reproches. Des mots qu'il m'a répétés mille fois mais aussi des choses que j'avais oublié et qui me laissent une impression bizarre.

Je somnole vaguement lorsque les petits pas d'Anna s'approchent. Je lève la tête pour la voir, elle me lance un regard prudent.

— Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-elle.

— Oh, ce... ce n'est rien, je n'arrivais pas à dormir et je voulais pas réveiller ton père.

— Ses ronflements t'ont réveillé ?

Je ris à son sourire espiègle et secoue la tête, mais je vois dans son regard qu'elle ne me croit pas. Comme je ne peux pas lui dire la vérité, je me lève et l'entraîne vers la cuisine pour lui préparer un bon petit-déjeuner. Cela faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé et je suis même obligé d'aller chercher une recette sur internet quand elle me demande de préparer des pancakes.

Du baume au cœur (Malec AU)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant