Épilogue

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▪ Magnus ▪

Ces dernières semaines ont été beaucoup plus mouvementées que ce à quoi je m'attendais. Et pourtant, plus sereines.

Après l'accident, j'ai dû avoir le bras droit immobilisé à cause d'une fracture. Je ne pouvais plus aller courir ni même danser. J'ai rechuté, une fois, et cédé au besoin viscéral de me faire vomir après avoir constaté une prise de deux kilos. Après ça, Alexander a envoyé la balance par la fenêtre de la salle de bain puis j'ai augmenté le rythme de mes rendez-vous avec mon psychologue pour ne pas revenir à mon ancien comportement compensatoire. Le docteur Wells m'a demandé de profiter de ces semaines de repos forcé pour faire face à mes angoisses et réfléchir aux barrières que j'ai érigées autour de mon cœur.

Et c'est ce que j'ai fait.

Aujourd'hui, au cours de ma séance, j'en suis venu à comprendre quelque chose sur moi-même. Ma naissance n'était pas voulue, pas attendue. Quand je suis venu au monde, j'ai été rejeté par mes parents comme si j'étais en faute. Bien sûr, tout ça, je l'ai intériorisé pendant des années mais, en y repensant, mes parents n'ont jamais caché leur aversion. Le seul soleil dans ma vie était ma grand-mère, elle était la seule à m'aimer sans condition et à ne pas chercher à me punir pour une souffrance dont je ne savais rien.

J'ai grandi dans un foyer sans amour que j'ai fui avant d'être complètement détruit par mes parents. Du moins, c'est ce que j'ai cru jusqu'à récemment. Chaque mot, chaque particule de haine que j'ai reçu dans mon enfance s'est enfoui dans ma façon d'être, caché dans une confiance en moi que je feignais si bien. Puis tout s'est effondré, petit à petit. Il a suffi d'une seule rencontre pour exposer tout de moi.

Mon téléphone sonne dans ma poche, me sortant de mes pensées. Je croise le regard du chauffeur de taxi dans le rétroviseur et rebaisse les yeux pour attraper mon bien. Je viens de recevoir ce que j'espère bien être le dernier message de la part du vieux Malachi.

« Nous acceptons votre offre. »

Je ne peux m'empêcher de sourire et réprime une exclamation de joie. L'incident avec les petites n'a pas eu d'effet que sur ma santé, mais aussi sur celle de l'école de danse. Les petites ont refusé de reprendre les cours, avec l'accord de leurs parents. Catarina est même venue m'avouer qu'elle avait convaincu certains des parents que la ville ne trouverait pas de meilleur professeur que moi. J'ai donc proposé au conseil de racheter l'école, pour une somme ridiculement élevée. Les quelques membres du conseil qui avaient refusé que je reprenne les cours ont rechigné un moment, sans doute pour ne pas s'avouer vaincus. Mais Alexander m'a soutenu, comme il le fait toujours, et j'ai tenu bon. Cette fois, j'ai gagné.

J'arrive rapidement à la maison. Chez nous. Ça fait déjà trois semaines, mais ça me fait encore un peu bizarre de ne plus du tout rentrer dans la maison d'à côté. Les volets sont fermés, je ne l'ai pas encore vendue. Je ne sais pas si je vais le faire. Ça pourrait être utile pour héberger Ragnor et Imasu s'ils se décident à venir me rendre visite. Et puis, qui sait, peut-être que l'un d'eux aura envie de rester ?

Lorsque je passe la porte, j'entends Anna qui est en train de jouer avec Otis et Freddie dans le salon, mais mon arrivée ne passe pas inaperçue parce que j'ai à peine le temps d'embrasser Alexander que ma petite princesse vient me chercher pour me raconter sa journée. D'habitude, j'essaie de programmer mes séances lorsqu'elle est à l'école et quand elle rentre on prend toujours le temps de discuter. Je n'avais pas conscience que c'était aussi important que ça pour elle. Mon petit ami nous observe, sourire aux lèvres, alors qu'Anna m'explique les dernières histoires avec ses copines. Qu'est-ce que ce sera quand elle sera adolescente ?

Alexander nous rejoint finalement et je me cale dans ses bras, Anna calée dans les miens. J'en profite alors pour leur annoncer la bonne nouvelle. Anna se met à crier de joie et se lève pour sauter sur le canapé. J'éclate de rire en même temps que son père.

— Bien, commence-t-il après quelques instants. Pour fêter ça, ce soir, je prépare ton plat préféré.

Il m'embrasse et se lève avant que je ne proteste. Anna se montre encore plus enthousiaste mais je sais que mon petit ami n'aime pas vraiment ça. Je reste avec Anna, le temps qu'elle se calme et retourne jouer avec Otis, dans le jardin, puis je vais dans la cuisine.

C'est bizarre, un peu bête sans doute, l'attention me touche peut-être un peu trop, mais je sens mon cœur battre fort dans ma poitrine alors que je regarde mon petit ami préparer ce que je préfère – mais qu'il n'aime pas vraiment. Les repas sont encore un peu délicats et j'essaie de ne pas montrer que je suis parfois obligé de me forcer pour mettre la fourchette dans ma bouche. Mais ça ne lui a pas échappé. Rien ne lui échappe, il fait toujours tellement attention à moi. L'idée même me rend un peu fébrile.

— Alexander ?

Il tourne la tête vers moi et me fait un petit sourire, soufflant un « hm » interrogateur. Je prends une seconde pour l'admirer, pour apprécier les battements affolés de mon cœur et les papillons qui volent dans mon ventre, pour réaliser que je n'ai plus aucune angoisse et les mots passent enfin mes lèvres.

— Je t'aime.

Du baume au cœur (Malec AU)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant