11 - le un peu trop curieux

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Evan

J'ai bien ma confirmation qu'elle ne dort jamais. Hayley est bien insomniaque. J'avais des doutes mais ils se sont aussitôt envolés devant sa tête de déterrée et le fait qu'elle soit tombé comme une masse dans le taxi. Et impossible de la réveiller. La sortir de la voiture a été laborieux mais même ça, ne l'a pas sorti du sommeil. J'ai déjà eu des patients dans son cas et si je me souviens bien, beaucoup d'entre eux avaient confiés que d'un coup le sommeil peut leur tomber dessus. N'importe où et n'importe quand. Je suis plutôt soulagé que ce soit dans la voiture que dans la rue mais ce n'est qu'éphémère.

S'ajoute rapidement l'inquiétude. Une grande première pour Evan Knight, le gars le plus égoïste et enfoiré de la planète. Ce sont les mots d'Ella. Les rapports avec ma petite sœur ne se sont pas du tout arrangés. Je suis le seul à blâmer. Je sais qu'elle se sent abandonné quand je pars du jour au lendemain sans rien dire mais je ne sais pas faire autrement. Depuis que j'ai appris la vérité à propos du jour de ma naissance, j'essaie désespérément de garder la tête hors de l'eau.

Non je déconne. Je n'essaie même pas. Je suis plutôt à plonger tête la première et boire la tasse.

Quant à me battre beaucoup trop souvent au goût de mes chères sœurs, eh bien c'est la punition que je me suis donné.

Je ne mérite même pas de respirer, putain et pourtant je suis bien là. A avoir détruit la vie de ma génitrice qui n'a même pas voulu me voir ou entendre parler de moi ne serait-ce qu'une seule fois. Comment l'en blâmer de ne pas vouloir affaire à l'enfant conçu pendant son viol ? Je me dégoûte moi-même et pourtant, je n'ai rien avoir dans tout ça. Je n'aurai jamais dû voir le jour. Ma vie a très mal commencé que ce soit du début jusqu'à la presque fin.

Mais ce sera une histoire pour un autre jour.

Je tourne la tête vers la porte qui s'ouvre une minute après, ayant reconnu les pas discrets de Sophy.

Ah Sophy, elle-même qui n'ose même plus me regarder dans les yeux.

Pourtant celui qui devrait être embarrassé, c'est moi. Après tout, c'est elle qui m'a larguée et là non plus je ne peux pas lui en vouloir. Quand c'est pas moi qui abandonne les gens, ce sont eux qui finissent par le faire. Nous sommes restés ensemble pendant un an et demi, elle était encore avec moi lorsque j'ai découvert la vérité. C'est moi qui ne l'était plus. Très compréhensible qu'elle en ait eu marre d'avoir un copain qui ne cesse de migrer au quatre coins du monde.

L'oiseau migrateur, a dit le jour de mon arrivé Hayley à ma sœur alors même que j'étais devant elles.

Sophy s'éclaircit la gorge, au comble d'un embarras que je ne saisis toujours pas et demande presque timidement :

— Comment elle va... ?

Je reporte mon regard sur le lit où se trouve la belle au bois dormant toujours endormie et hausse une épaule tout en feuilletant un bouquin qui traînait sur son bureau.

— Elle dort encore.

— Ok, murmure Sophy qui s'éclipse aussitôt.

Elle ne m'a même pas demandé ce que je fous ici. Et quand je dis ça, je fais référence au fait que je n'ai pas quitté sa chaise de bureau depuis que je l'ai porté au lit. Pourtant, c'est la question que je me pose moi-même. Qu'est-ce que je fous ici ? Non seulement je m'introduis dans sa chambre alors qu'elle n'en a même pas conscience mais pire encore, je touche à ses affaires et fouille même dedans. Je suis comme un véritable gosse intenable qui touche à tout.

Je suis surtout à la recherche de réponse. Ok, ce n'est carrément pas pro mais c'est pas le psy qui s'intéresse. On va dire que c'est le coloc qui se fait un brin de souci pour sa colocataire. Normal quoi.

Through your eyes (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant