10 - l'intrigue

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Evan

— ... Et donc je lui aie dit que ce n'était pas mon problème et vous savez ce qu'il m'a répondu ?

Non et je ne veux même pas le savoir. A chaque séance c'est toujours la même histoire et ça ne fait que commencer. Si à l'opposé d'Hayley qui est farouchement protectrice sur sa vie personnelle, d'autre comme Casey devant moi n'ont aucune pudeur et me raconte leur vie entière s'il le faut. Une fois encore je me retrouve à devoir subir d'entendre ses disputes amoureuses avec son petit ami dont j'ai oublié le nom.

Je n'ai aucune envie d'écouter la vie des autres quand la seule que je souhaite savoir de fond en comble a langue aussi scellé qu'un trésor contenant l'argent du monde entier. Je ne sais pas pourquoi je m'acharne sur le cas d'Hayley. Des patients qui refusent de parler, j'en ai déjà côtoyé. On avance au ralenti voire pas du tout. Alors pourquoi est-ce que je m'obstine à vouloir la faire parler ?

La réponse est simple. Derrière ses regards noirs et ses sarcasmes comme défenses, je vois une personne triste. Seule.

Envieuse.

Et là vous allez me dire, comment j'ai pu découvrir ça en quelques séances muettes ? Je suis psy, les gars. Observer mes patients, analyser leurs mots, leurs moindres gestes c'est mon boulot. Et Hayley a plus de tic nerveux que jamais j'aurai cru voir un jour en une seule personne. Que ce soit sa jambe qui s'agite quand elle est mal à l'aise, son froncement de sourcils lorsque qu'elle se retient de dire quelque chose, son regard qui dévie quand je touche un sujet sensible... Elle est un livre ouvert. Un visage expressif qui me fournit bien plus d'indication que si elle parlait. Et sa manie qu'elle a de se réfugier derrière des répliques sarcastiques quand elle ne veut pas répondre ou de me renvoyer mes propres questions avec une audace qui m'amuse comme me déconcerte à chaque fois. En croyant qu'en me faisant parler, j'oublierai que ce sont ces réponses à elle que j'attends.

En attendant, cette fille m'intrigue et me donne envie de creuser, d'abattre les murs derrières lesquelles elle se carapate.

C'est assez stupéfiant de trouver enfin autre chose dont me préoccuper que ma propre et misérable existence.

Par exemple, ça fait trois soirs maintenant que je décide de rester à l'appart au lieu d'aller où je vais d'habitude et me faire refaire le portrait. Pourquoi ? Parce que j'ai envie de la connaître. Cette même fille qui m'a envoyé chier plusieurs fois lors de notre rencontre impromptue dans ce café. Cette même personne qui a pété un câble parce que j'ai versé par la fenêtre son latte au lieu de lui rendre.

Et cette fille encore qui semble à la fois être en rogne contre le monde entier que cette envie de se faire la plus petite possible sans pour autant vouloir disparaître non plus. Oui, elle m'intrigue et attise mon côté psy qui veut découvrir ce qu'elle essaie tant de cacher.

Je finirai par découvrir le fin mot de cette histoire, ça j'en suis certain.

*

Hayley

— Bon, qu'est-ce qui se passe ? lâche Ricky qui se plante devant moi, les mains sur les hanches.

J'hausse un sourcil.

— Comment ça ?

— Ah non, ne fait pas celle qui ignore de quoi je parle ! Qu'est-ce qu'il se passe, Hayley ? T'es étrange depuis hier.

Je baisse les yeux sur mon uniforme qu'Ambroise m'a donné et balaie une peluche invisible sur ma manche. Ca fait même pas un jour que le patron a accepté de me laisser bosser à l'arrière du café et pourtant je n'ai absolument aucun diplôme ou expérience requise. Mais bon, pour faire la vaisselle, il y en a pas vraiment besoin. En échange, je suis payé sommairement mais je pourrai au moins contribuer à quelque chose dans la coloc et non avoir l'impression de squatter comme un parasite indésirable.

— Hayley...

Je soupire et redresse la tête vers Ricky, ma meilleure amie en à peine deux mois qui me connaît déjà mieux qu'apparemment je me connais moi-même. Alors évidemment qu'elle a remarqué qu'un truc clochait. Tout le monde l'a vu et quand je dis tout le monde, c'est surtout elle et Ambroise. Après avoir cassé ma troisième tasse en même pas une heure, ce dernier m'a clairement fait comprendre de rentrer chez moi pour aujourd'hui. Je pensais échapper à l'interrogatoire de Ricky en me dépêchant de me changer et de foutre le camp d'ici mais j'avais à peine passé la porte des vestiaires qu'elle m'est tombé dessus sans même que j'ai eu le temps de faire le moindre geste.

— Je vais bien, Ricky, je soupire.

— Pff, tu parles ! T'es le contraire d'aller bien et tu le sais.

Sentant un soudain épuisement s'emparer de moi, je me contente d'hausser une épaule et de me changer sans plus de cérémonies. Après tout, nous sommes faites pareilles elle et moi. Moins de cinq minutes plus tard, je suis de nouveau habillé de mes vêtements quotidien avec une fatigue qui ne fait qu'empirer.

Je sais très bien ce qu'il se passe.

Ce sont toutes les heures de sommeil que je n'ai pas eu qui sont en train de me rattraper.

La joie d'être insomniaque.

— Ecoute, je n'ai pas envie de parler. Je veux juste rentrer chez moi.

Et dormir.

Ricky soupire et capitule bien trop vite à mon goût mais là maintenant, je ne vais pas chercher la petite bête. Je suis fatigué, je veux juste partir et retrouver mon lit.

— On reprendra cette conversation plus tard, prévient-elle.

— Si tu veux, si tu veux...

Je quitte les vestiaires seule et une fois dehors devant la devanture du café, je trouve la dernière personne que je souhaite voir là maintenant. Mais c'est trop tard car lui aussi m'a déjà repéré.

— T'as une sale tête.

— Je te remercie, la tienne l'est tout autant, rétorqué-je mollement.

Evan ricane mais retrouve rapidement son sérieux de psy.

— T'as vraiment une sale tête, Hayley.

Une tête d'une personne qui n'a pas dormi pendant des jours.

— Je suis juste... Fatigué...

— Je te ramène à l'appart.

Ce n'est même pas une proposition mais un ordre. Je n'ai même pas l'énergie nécessaire pour protester et l'envoyer balader. Plus vite je serai rentré, mieux ce sera. Sous mon silence, Evan arrête le premier taxi qui passe devant nous et m'indique de monter à l'arrière. Je m'exécute en passant devant lui et m'engouffre dans le véhicule qui pour une fois ne pue pas en saluant faiblement le chauffeur.

A peine le conducteur repart vers notre adresse que je sens mes paupières devenir lourdes et je m'effondre la minute suivante. 

🤠🤠

Dans le fond, j'envie pas les personnes insomniaques, c'est juste horrible 🥹

Dernier chapitres pour aujourd'hui, dites moi ce que vous en avez pensé sur ces trois nouveaux. Si ça vous a plu, laissez la petite étoile 🫶🏼

À très vite pour la suite !

Xoxo 🦋

Through your eyes (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant