15 - contrecoup

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— Je croyais qu'on n'avait pas le droit de ramener des chiens ici.

C'est la première phrase que je décroche depuis le trajet en voiture qui s'est fait en silence. Mais cette question me perturbe depuis qu'il m'a dit de garder Princesse. Alors que nous longeons les couloirs en faisant le moins de bruit possibles, ma chienne dans mes bras qui pour une fois est calme, Evan s'arrête juste devant notre porte rouge et se tourne vers moi avec un sourire désarmant.

— Personne n'en saura jamais rien si on fait gaffe.

On. Pas « tu » mais « on ». Comme si nous étions soudainement un duo.

J'acquiesce, bien trop troublé par ce qu'il vient de provoquer avec juste une phrase. Evan ouvre la porte et nous entrons chez nous. A peine le seuil passé que Joyaux, comme s'il avait senti la présence de sa meilleure amie vient poser ses pattes avants sur mes jambes en regardant Princesse dans mes bras. Cette dernière n'est pas en reste car un jappement lui échappe et je la reprends aussitôt tout en la relâchant.

— Chut, tu dois te faire discrète, ok ?

Bien sûr elle m'ignore royalement, bien trop occupé à saluer mon chat. Je lève les yeux au ciel, lâche un soupir puis dépasse les animaux en quête de je ne sais quoi. Sûrement mon lit ou bien la salle de bains. Mais j'ai à peine fait un pas que je suis retenu par la main d'Evan autour de mon bras.

Je fais volte-face, des points d'interrogations dans les yeux. Sans utiliser de mots, il relâche mon bras pour glisser sa main vers ma gorge. J'ai un mouvement de recul, l'incident étant beaucoup trop frais pour un tel geste. Evan suspend sa main et hoche la tête pour lui-même.

— Viens avec moi.

Il me dépasse dans un coup de vent, comme s'il était persuadé que j'allais le suivre. J'ai bien envie de rester ici juste pour le contredire mais ma curiosité l'emporte. Sur le chemin, je croise Snow et j'offre une caresse au chat blanc avant de rejoindre Evan dans la salle de bains.

— Qu'est-ce qu'il y a ? je demande d'un ton neutre.

Je crois que son regard parle pour lui. Ses yeux d'abysses braqués sur ma gorge où je peux encore sentir la lame froide du couteau, j'ai un tressaillement mais cette fois, quand il approche sa main, je ne recule pas. Je frissonne sans pouvoir me l'expliquer à l'endroit où ses doigts se posent. J'aperçois sa mâchoire se serrer et je n'ai pas le temps de demander ce qu'il lui arrive qu'il retire ses doigts, provoquant une vague glaciale désagréable à l'endroit même où de la chaleur humaine aurait pas fait de mal. Mais quand je vois une teinte rouge même infime sur le bout de ses doigts, je commence à paniquer et je me précipite contre le miroir.

— Roy peut avoir la main facile, lâche Evan d'une voix que je lui reconnais pas.

Comme s'il était contrarié ou... Enervé. Non, ce serait stupide.

Il me tend une compresse sûrement imbibé de désinfectant que je saisis machinalement. Alors que je la pose contre l'infime coupure en essayant de ne pas repenser à ce putain de couteau contre ma gorge, je demande :

— Qu'est-ce que tu faisais là-bas ?

— C'est plutôt à moi de te demander ça. C'est pas le chemin de la coloc.

Comme s'il était incapable de rester sans rien faire, il attrape la compresse qu'il m'a lui-même donné pour s'en occuper à ma place. Je pourrai le repousser, je devrai mais je n'en fais rien. A la place, j'essaie de croiser son regard qui évite soigneusement le mien. Pourquoi ?

— J'ai... Paniqué, soufflé-je.

Ses yeux se baissent sur moi et je ne peux m'y soustraire.

— Parce que tu te sentais suivies.

Through your eyes (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant