34 - sans échappatoire

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 — Tu fais trop de bruit, râle Ricky quand je trébuche une énième fois. Sérieusement, je n'ai jamais vu une personne aussi bourrée avec juste une bière...

Comme réponse, je lui fournis un grognement inaudible même à mes propres oreilles. J'entends distinctement malgré mon nuage cotonneux sur lequel je flotte depuis quelques heures, pour discerner les clés qu'elle vient de sortir afin d'ouvrir la porte.

— Pourquoi c'est aussi silencieux... ? marmonné-je quand nous entrons à l'intérieur.

— Sûrement parce qu'il est une heure trente et que les gars dorment, me répond Ricky sur un ton sardonique qui m'arrache une grimace. Allez va te coucher avant de te vautrer par terre, ajoute-t-elle dans un soupir en me poussant dans le couloir et me faisant arrêter sur ce que je suppose être une chambre inoccupée.

— Bonne nuit, chuchoté-je avant de refermer la porte.

Je n'entends pas sa réponse car une fois seule, j'ai la sensation de flotter davantage ou alors plus du tout. C'est tellement confus que je ne sais même plus ce que je ressens là tout de suite. Dépassée, je colle mon front contre la surface fraîche de la porte et ferme les yeux.

Alors quelque chose d'insensée se produit : je sens le parfum de mon coloc. J'ai bu qu'une seule bière et cela suffit à me faire dérailler comme jamais. Je suis irrécupérable au point d'imaginer l'odeur d'Evan alors qu'il n'est même pas ici. Il est rentré à l'appart.

Tout à coup mes yeux, même avec les paupières baissées, se font agresser par une lumière vive. Je grogne quand j'entends une voix émanant dans mon dos :

— Eh bien, furie. Tu m'as l'air dans un état pas très glorieux.

Décontenancé, ce sont désormais les yeux grands ouverts face à la porte de chambre fermée et en reconnaissant cette voix beaucoup trop familière que je me sens dégriser à la vitesse de la lumière. Si vite que je trébuche une nouvelle fois en essayant de me retourner. La faute à mes pieds qui s'emmêlent.

Et si j'évite la chute c'est encore une fois grâce aux réflexes admirables d'Evan.

— Doucement, souffle-t-il en me stabilisant contre lui.

J'ai un milliard de questions mais mon corps s'en fout et me trahis sans se préoccuper de ma partie cérébrale. Ma tête bascule et se niche au creux de son cou où je sens de nouveau le parfum que j'avais senti en entrant ici. Et mes doigts sont déjà en train d'agripper son tee-shirt comme si je craignais qu'il me laisse tomber à tout moment. Un soupir franchit mes lèvres et je sens mes paupières se baisser une nouvelle fois. Mais à présent, cela n'a plus aucun rapport avec la fatigue mais bien face à ce sentiment d'apaisement que je ressens de le sentir tout près de moi.

Il m'a terriblement manqué, c'est indéniable.

Bien que mon cœur batte la chamade et que je sens mon corps s'éveiller à une vitesse effrayante, je ne bouge pas d'un pouce, profitant de ce câlin inopiné de mon coloc dont l'absence m'a bien trop affectée pour que ce soit normal.

— Qu'est-ce que tu fais ici... ? je parviens finalement à lui demander sans pour autant me détacher de lui.

— Je t'attendais.

Mon cœur loupe une série de battements mais mon cerveau se fait hélas plus pragmatique.

— Tu t'es lassé de ta copine alors tu te rappelles de mon existence, lancé-je sur un ton voulu ironique qui sonne malheureusement bien trop comme une fatalité à mes oreilles.

Dans mon dos, je le sens se tendre.

— De quelle copine est-ce que tu parles ?

Un rire cette fois bien ironique éclate et je tente de me dégager de sa prise mais il ne me laisse pas faire.

Through your eyes (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant