30 - une fois encore dans le même lit

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Evan

Ce sont deux choses qui me réveille. La première c'est la douleur à la nuque que je ressens et la seconde c'est miss malade qui essaie de s'échapper sans que je ne m'en aperçoive. Enfin, ça c'est ce qu'elle croit. Manque de chance pour elle, je suis parfaitement réveillé.

— Tu vas quelque part ? lancé-je sur le ton de la conversation tout en me massant l'arrière de la nuque.

Foutue crampe. Ca m'apprendra à dormir complètement recroquevillé comme les chats de la coloc.

Hayley s'arrête sur le pas de la porte et quand je la vois vaciller, je bondis de la chaise que j'avais rapproché du lit pour la rattraper avant qu'elle ne tombe.

— Bordel, grommelé-je. Je peux savoir ce que tu fous ?

Elle est d'une pâleur à faire peur qui plus est. Je savais que rester autant de temps sous la flotte était une très mauvaise idée mais essayer de faire entendre raison à quelqu'un d'aussi bornée qu'Hayley Sullivan. Je vous assure, c'est impossible. La concernée gémit contre moi et pas d'un gémissement de plaisir, non. Elle est éreintée. Passant les bras sous ses genoux et l'autre dans son dos, je la soulève juste le temps de la ramener au lit. A peine posée qu'un éternuement surgit. Je secoue la tête, dépité rien que de penser à ce qu'elle avait dans le crâne et la recouvre suffisamment.

— Les... Cours...

J'hausse un sourcil et pris d'un doute, je jette un œil sur son portable. C'est moi qui manque de gémir quand je prends conscience de l'heure. Bordel, il est que ça ?

— Alors pour commencer, la fac est fermée à trois heures du mat. Ensuite, tu penses sérieusement que je vais te laisser sortir d'ici vu ton état ?

— J'ai pas besoin... D'une confirmation...

— Besoin ou non, de toute manière tu ne l'as pas. Tu restes la journée ici, furie. Non négociable. Et avant que tu ne protestes pour des raisons stupides, si tu ne vas pas mieux, dans quelques heures tu vas au médecin.

— C'est juste un rhume, Evan...

Je passe le dos de ma main sur son front qui n'a pas diminué en chaleur. Ironique quand j'entends ses dents claquer.

— Permets moi d'en douter. Maintenant dors.

— Pas sommeil...

Même malade, elle est toujours insomniaque, c'est dingue ça.

— Formidable, marmonné-je.

— J'ai entendu et c'est... Pas... Ma faute...

— Je n'ai jamais dit ça.

— Mais ça sonne tout comme...

Je ferme les yeux, réprimant un bâillement. Bordel moi aussi j'aurai besoin de dormir, mais je me refuse de quitter sa chambre. Ce qui n'est vraiment pas intelligent car si c'est contagieux, je risque fort de me choper le truc aussi. J'ai un sursaut suite au froid soudain que je ressens et les yeux ouverts, je percute que c'est seulement la main glacée d'Hayley que je sens. J'ai le réflexe de l'attraper et la garder dans la chaleur des miennes.

— T'es fatigué...

Pas une question mais une affirmation. J'hoche la tête.

— Tu devrais... Dormir...

— T'as également raison mais j'ai aussi dit que je ne te laisserai pas seule cette nuit.

— C'est stupide...

— Dit-elle, raillé-je.

Elle ne riposte pas. Signe incontestable qu'elle ne va pas bien. Et comme elle l'a dit, c'est stupide et je vais faire un truc encore plus stupide. Abandonnant la chaise et mes vêtements – excepté le plus important – je me glisse sous la myriade de couvertures d'Hayley. Et cette dernière ne tarde pas à venir se coller contre moi.

— T'as pas chaud avec ton truc à poil, là ?

— Si mais j'ai aussi froid...

Ouais sauf que la couette plus les trois épaisses couvertures, je pense qu'elle peut largement retirer ce pyjama qui n'arrange pas du tout son état. Alors que je lui en fait part, elle dit seulement :

— Aide moi...

Je le fais. Esquisser le geste le plus simple semble la faire souffrir. Elle mentionne des courbatures alors que je l'aide à retirer le haut en essayant de ne pas m'arrêter sur ses seins. Ce n'est vraiment pas le moment de la reluquer, bon sang. Hayley s'occupe du pantalon et je vire ça sur la chaise toujours à côté du lit. J'ai un frisson quand elle revient se coller contre moi et peau contre peau, j'ai conscience plus que jamais de sa différence de température corporelle. Son corps est aussi chaud que son front alors qu'elle a les mains glacées. Sans déconner, j'ai l'impression d'avoir un radiateur dans les bras ! Sans oublier le chauffage dans tout l'appart, ajouté à ces foutues couvertures, je vais crever, bordel.

— J'aurai jamais... Dû rester... Sous la pluie...

Sans déconner !?

Mais inutile de lui faire la morale pendant six ans. Vu son état, quelque chose me dit qu'elle ne réitérera pas l'expérience de sitôt. Du moins je l'espère.

— Dors, furie, je dis simplement.

Et incroyable mais vrai, elle finit par se rendormir si je me fie à son souffle régulier et posé qui me fait l'effet d'une plume glissant sur ma peau. Bien que j'aie moi aussi sommeil, ce dernier semble me refuser le repos. Et faut dire qu'avoir une furie presque nue collée à moi n'aide en rien du tout. Surtout quand elle semble éveillé un désir qui ne fait que s'accroître au fil des jours. Pourtant, elle est tellement éloignée de mes standards. L'opposée mais Hayley possède ce quelque chose que je ne m'explique pas et qui m'attire irrémédiablement à elle. Peut-être sa langue acérée ? Ou alors ses yeux qui se mettent à briller comme des étoiles quand elle parle de ce qui la passionne ? Ou encore cette façon à elle seule qu'elle a pour apaiser ma solitude et faire revenir quelques couleurs dans ma vie ? A moins que ce soit toutes ces choses réunies. En tout cas, je sais un truc : je ne peux pas me séparer d'elle. Cette furie m'est devenue rapidement indispensable et occupe beaucoup trop ma tête. C'est à la fois effrayant et fascinant. J'ai autant cette envie de la posséder de toutes les manières possibles que de la protéger des enfoirés comme Nick.

Ouais j'ai envie de la garder pour moi seul. Comme un gosse qui cacherait son jouet le plus précieux hors de la vue des curieux. Surtout quand là maintenant, elle semble si vulnérable blottie dans mes bras...

J'ai un sourire quand je la vois ainsi. Cliché certes mais elle est trop mignonne quand elle dort. Je pose un léger baiser sur son front qui ne baisse pas en température puis me décide enfin à fermer les yeux. Et comme si Morphée avait attendu que ça, le sommeil me tombe dessus. 

Through your eyes (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant