16 - incompréhension

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— Tiens, bois ça, ça te fera du bien.

Ma chienne pelotonnée sur les cuisses et Joyaux juste à côté de moi, j'accepte la tasse de thé que vient de me préparer Evan. Nos doigts s'effleurent quand je saisis la tasse et je croise son regard. Nous restons une longue minute à seulement nous observer même si contempler serait plus juste. Il est le premier à rompre le contact visuel et j'ignore la pointe de tristesse que cela me fait. Je n'ai pas envie de penser à ça, pas maintenant, pas ce soir. Alors je distraits mes pensées en buvant mon thé. Je ne bois jamais de thé mais la chaleur du breuvage me fait du bien. Ca me détend et je crois que j'échappe même un soupir.

— Merci.

Il me répond par un acquiescement et se laisse doucement tomber sur le canapé. Princesse lève la tête vers lui, qui lui, semble regarder ailleurs. Partie dans un endroit qui est inaccessible à personne sauf à Evan lui-même. Sous mon étonnement, ma chienne lui lèche doucement la main et Evan revient sur terre. Il lance un regard hagard à Princesse qui le lui rend, la langue pendante.

— Je crois qu'elle t'apprécie, dis-je.

Et là, un nouveau petit sourire refait son apparition et j'aurai souhaité ne jamais sentir mon cœur s'emballer devant ce simple geste. Evan caresse la tête de Princesse ou plutôt essaie car cette dernière essaie de lécher sa main à chaque tentative. Voir sa tête qui se tourne d'un côté puis d'un autre, bascule vers l'arrière puis revient en avant me fait rire.

Et ça attire l'attention de mon coloc. Et comme je ne sais pas comment agir, je me cache derrière ma tasse en prenant l'excuse de boire. Je suis même tenté de fermer les yeux pour échapper aux siens mais ils refusent de m'obéir. C'est comme si une force magnétique les gardaient ouverts, ancrés dans les abysses de ceux d'en face.

— Comment tu te sens... ?

Je le déteste en cet instant parce que son inquiétude est absolument pas feinte. J'aurai mille fois préféré le haïr davantage encore de ne pas avoir agi quand son pote me menaçait. Mais comment le faire maintenant quand son regard semble si concerné ?

Je détourne le regard, remerciant silencieusement Princesse d'être présente ce soir.

— Il y a eu plus de peur que de mal, réponds-je en passant une main libre sur le dos de ma chienne.

Un doigt se glisse gentiment sous mon menton, me forçant à redresser la tête. Ma réponse ne convainc pas Evan et au fond, je le savais. Ses sourcils sont froncés, ses yeux fouillent les miens à la recherche de ce que je ne dis pas. Ma prise se resserre autour de la tasse et ma main se fige dans les poils de ma chienne.

— Furie.

Ce simple surnom en dit long si on suit son intonation. Je détestais déjà quand mon nom était dans sa bouche mais ce sobriquet est encore pire. Mon imagination s'emballe, mes pensées s'éparpillent et je préfère boucler tout cela dans un tiroir verrouillé à double tour et plonger au fond de l'océan de mon esprit.

En attendant, je ne sais pas comment c'est possible mais ma bouche s'ouvre et répond sincèrement à sa question :

— Je ne sais pas. J'ai l'impression que je ne parviendrai plus jamais à fermer les yeux sans sentir cette lame froide contre ma gorge...

Et juste comme ça, tout ce que j'essayais d'ignorer ressurgit. La peur, le choc, la fureur. Alors que je pensais que Princesse dormait, elle me surprend en se redressant instantanément, ses deux pattes avant appuyant contre mon abdomen. Elle aussi a senti le changement chez moi. Elle love sa tête contre ma poitrine, ses yeux ne me quittant pas une minute. Pas même quand Evan glisse la main sur son dos. Cette fois, elle ne se détourne pas de moi et je sens l'émotion me gagner à nouveau mais je ne cède pas. Je refuse de pleurer encore une fois à cause de la manipulation de Nick.

Through your eyes (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant