Dévoreur De Cœurs [BxB]

𝟑𝟐- 𝐓𝐫𝐚𝐡𝐢𝐬𝐨𝐧

Alors que ma récente culpabilité me rongeait, un dégoût sans nom m'emplit le cœur. L'horreur et la confusion se mêlaient en moi. Comment était-elle arrivée là ?

L'effluve âcre semblait vouloir s'infiltrer dans mon nez, se répandre dans ma bouche et se resserrer autour de ma gorge. Son cou était tellement souillé de sang que je percevais mal l'état de sa morsure. Un haut le cœur me traversa quand je compris que c'était sur elle qu'il se nourrissait depuis tout ce temps.

Son gémissement, mêlé de sanglots, me glaça jusqu'à l'os. À bout de force la jeune femme s'écroula devant moi, juste après le bruit sec de la porte qui claqua derrière elle. C'est à ce moment que mon cerveau, sous le choc, se remit en action. Je la rattrapai in extremis et la serrai dans mes bras. Il y avait du sang, beaucoup trop de sang sur son cou, ses bras, sa poitrine... partout. Mes mains tremblaient et mes lèvres étaient sèches de panique. Je n'arrivais plus à parler, aucun son ne voulait sortir de ma bouche alors qu'un seul fait ne cessait de s'insinuer dans mon esprit : elle avait subi à ma place.

Taegan s'était joué de moi. Il n'avait jamais eu besoin de mon sang, il avait déjà quelqu'un pour satisfaire sa soif. M'avoir à sa disposition n'était qu'une simple envie, un odieux caprice qu'il voulait assouvir pour son propre plaisir. Me laisser tomber peu à peu dans son piège devait le remplir d'une joie malsaine. Voir au combien trahir le début de confiance que j'étais en train de lui accorder devait le ravir. Le salaud.

Quelque chose m'alarma soudainement et l'air sembla se bloquer dans mes poumons. Le corps entre mes bras ne bougeait plus. Pris d'épouvante, je le décollai immédiatement de moi et le secouai avec virulence. Les larmes dévalèrent mes joues, mais je continuai d'empoigner ce corps frêle dans l'attente obsessionnelle de la voir revenir à elle.

Je sentis la panique m'engloutir lorsque soudain, à travers tout ce chaos, la porte s'ouvrit une seconde fois. Je relevai aussitôt la tête dans l'espoir naïf de recevoir de l'aide. Mais quand une tête blonde aux crocs sortis passa l'embrasure du battant, je compris que c'en était fini pour elle... et pour moi aussi. Kalion semblait avoir perdu la raison, son sourire fou et ses yeux vifs témoignaient de sa démence. Le sang qui souillait son menton et ses habits tout aussi tachés lui donnait des airs de fauve, et cette constatation fit s'emballer de manière bien trop brutale les battements de mon cœur. Puis des mains poisseuses se posèrent subitement sur mes joues. La sidération déforma mes traits lorsque je vis que la jeune femme devant moi avait ouvert les yeux et qu'en prime, un sourire sadique ornait son joli visage alors qu'elle maintenait fermement le mien devant elle.

J'étais perdu et la confusion de la situation s'aggrava lorsqu'elle explosa soudainement de rire. Et avant que je ne puisse même anticiper ce qu'il se passait, elle s'échappa d'entre mes bras. La demoiselle désormais pleine de vie se releva avec aisance et se dirigea avec joie vers le nouveau venu qui en fit tout autant. Kalion se baissa et la jeune femme l'embrassa à pleine bouche.

Je ne comprenais pas.

— Maiko... chuchotai-je avec effroi.

C'est tout ce que je pus articuler. Mais dans ce simple nom, il y avait tellement de questions sans réponses. Il n'y avait même pas de place pour la colère tant le bouleversement était grand. Puis tout s'enclencha dans mon esprit et un goût amer m'emplit la bouche. La situation me parut soudainement si évidente que la douleur ne fut pas longue à me submerger. Tout était clair. Cette histoire de remède et cette pandémie qui sévissait chez moi était de son fait. Elle avait empoisonné les miens pour les pousser à sortir.

Je ne sus pas trop ce qui explosa en moi, mais ce fut douloureux. Savoir qu'elle s'était jouée de moi de la sorte me fit mal. J'avais été trahi. Le dégoût était un sentiment fort, mais la trahison plus encore. Deux fois. Deux personnes en qui j'avais confiance. Deux traîtres. Même si Taegan n'était pas l'auteur de ce que je lui reprochais, je n'oubliais pas qu'il m'avait tout de même menti. Et s'il m'avait menti sur ça, qui sait sur quoi d'autre il avait également pu le faire...