𝟒- 𝐋𝐚 𝐒𝐞𝐥𝐞𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧

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Il ne m'accordait jamais le moindre regard bienveillant. Je n'avais droit qu'à du dégoût et de la haine de sa part. Ce grand homme rachitique n'avait rien du père exemplaire. Il ne méritait même pas cette appellation. Il était simplement l'homme qui me punissait si j'échouais. La sanction était la seule source de motivation qui me poussait à me surpasser, et pour lui, le seul moyen de me faire obéir.

Je l'ai longuement haï avant de comprendre. Il vivait dans une peur constante. La crainte de perdre tout ce qu'il avait, la trouille de voir toujours plus de personnes disparaître et enfin l'effroi de voir tout son peuple mourir de faim. Cette terreur qui le rongeait était une véritable maladie, elle avait empoisonné son cœur et le rendait mauvais et cruel. Tout cela, il me l'avait rejeté à la figure et m'avait déclaré coupable de tous ses maux. Il s'en prenait à moi car il lui fallait quelqu'un à qui en vouloir, il lui fallait un responsable. Un bouc émissaire.

Autrefois j'étais terrifié par sa seule présence. Il était mon pire tourment.

Pendant longtemps, tout ce qu'il me laissait était des afflictions émotionnelles que j'enfouissais très profondément dans mon subconscient. La douleur physique était anecdotique par rapport à ma souffrance mentale, et puis mes blessures cicatrisaient vite. Non, je n'avais pas mal quand il me frappait, j'avais mal car je savais que son intention était de me blesser.

La main qui vola droit vers ma joue resta en suspend. Je venais de saisir le poignet de mon paternel, l'empêchant de me cogner comme il savait si bien le faire. Ses yeux aussi clairs que la glace étaient meurtriers, il n'allait pas tarder à me cracher tout son venin au visage. Mais heureusement pour moi, ça faisait déjà un bon moment que cela ne m'atteignait plus.

Je n'éprouvais plus rien pour cet homme.

Désormais, seule la douleur physique persistait. La situation s'était irrémédiablement inversée.

— Pourquoi es-tu sorti ? Qui t'y a autorisé ? gronda-t-il furieusement. As-tu oublié tes responsabilités ? Comment oses-tu agir de la sorte alors que nous sommes à la veille des Jeux !

Ses iris étaient incandescentes puis un brusque déferlement d'énergie envahit ma tête. J'avais l'impression que mon crâne allait exploser ! Je lâchai immédiatement son poignet avant de me reculer pour poser mes deux mains sur mes tempes. La douleur me vrillait les tympans alors que j'essayais de me concentrer pour faire cesser cette brusque intrusion. Un liquide rouge et chaud coula de mon nez. Ça faisait mal, horriblement mal, mais je devais rester concentré.

Après quelques secondes douloureuses, une montée de chaleur me submergea puis mes épaules se décrispèrent et la douleur reflua. C'était déjà fini. En réalité, ce connard faiblissait. Dans un geste rageur, j'essuyai le sang qui souillait ma peau. Puis je pris une profonde inspiration avant de lui renvoyer son regard noir.

— Je vois que tu t'es entraîné à déjouer mon pouvoir. Mais ne t'imagines pas que ça veut dire que tout t'est permis.

— Si tu me laissais m'expliquer nous n'en serions pas là ! C'est Thyron qui a voulu sortir. Je n'ai eu d'autres choix que de les accompagner pour assurer leurs arrières.

— Et si quelque chose t'était arrivé, qu'aurions-nous fait ? Tu n'es qu'un merdeux inconscient ! Un égoïste.

— Aucun mal ne m'est arrivé. Ça ne sert à rien de tergiverser.

Dévoreur De Cœurs [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant