Dévoreur De Cœurs [BxB]

𝟒𝟓- 𝐉𝐞𝐮 𝐬𝐨𝐫𝐝𝐢𝐝𝐞

Après cette petite soirée forte en émotions, notre mission avait immanquablement repris. Nous avions alors passé la journée à visiter les alentours en quête de réponses. Désormais, le soleil venait de se coucher et nous étions tous rassemblés autour d'un même buffet. Ce dernier était uniquement composé de coupes, et pour certaines, déjà remplies de sang. Et il était clair que nous allions nous aussi faire partie du menu.

Ce grand homme au bout de la table regardait tous les autres d'un air critique et calculateur. Comme s'il attendait de trouver leurs moindres failles pour s'y infiltrer et les détruire de l'intérieur. Cet individu aux cheveux argentés et aux traits durs et sournois était l'oncle de Taegan, et en cet instant, il semblait assurément attendre le silence. Ses ongles tapaient frénétiquement sur le bois de la table et sa mâchoire était crispée. Puis dès lors que sa main agrippa l'accoudoir de sa chaise pour se redresser, je sus qu'il allait enfin nous faire l'honneur d'entendre sa voix.

— Merci à tous d'avoir répondu une nouvelle fois présents à cet appel, commença-t-il d'un ton grave et rêche. Je suis ravi d'avoir pu créer une telle unicité en vous conviant tous autour d'un même objectif.

Je reconnaissais là le faux sourire qu'il esquissait en s'adressant à la tablée. Le mage avait le même quand il faisait semblant d'œuvrer pour le bien de tous. En réponse à cette joyeuse entrée en matière, tous gloussèrent de leur voix grasse. Ils devaient sans doute se sentir honorés de faire partie d'un tel comité. Si seulement ils savaient que tout cela ne serait bientôt que du vent saupoudré de désillusions...

Mais une chose était sûre, ils avaient pris leur rôle de vilain très à cœur. J'étais présentement debout derrière Taegan, tandis que d'autres humains n'avaient pas eu cette chance et se retrouvaient agenouillés à côté de leur maître. Et pour couronner le comble de leur mauvaise étoile, certains ne se retrouvaient que très peu vêtus.

Même si mon regard restait la plupart du temps rivé sur les coupes devant moi, je jetai un rapide coup d'œil à l'humain à gauche de Taegan qui ne cessait de gesticuler. Il portait seulement un collier de chien et un étrange sous-vêtement semblant être fait de cuir. Et je me doutais que ça n'avait pas l'air agréable à porter. Au lieu de m'en mêler, j'allais tout mettre en œuvre pour ne pas me faire remarquer, et comme me l'avait dit Taegan, combien même je serais témoin de quelque chose d'encore plus regrettable.

L'humaine positionnée derrière l'oncle me lançait de furtifs regards curieux, mais je fis tout pour les éviter. Je n'allais pas tenter de jouer au plus malin ce soir. La regarder elle et son maître et soutenir leurs regards était complètement inenvisageable. Je ne savais rien de leur lien et il y avait trop en jeu. Et puis je ne connaissais pas suffisamment l'oncle pour affirmer qu'il ne se risquerait pas à punir l'elfe de son neveu.

— Avant toute chose, reprit l'organisateur de la soirée, je tiens à vous informer qu'un traître a rejoint nos rangs.

Un tollé d'œillades surprises suivit ses paroles. Sirdon semblait fier du mouvement de foule et du stress qui venait de prendre possession de leur cœur. Mais je savais pertinemment que Taegan ne serait pas incriminé, et tout comme l'oncle, j'appréciais particulièrement voir les vampires angoisser et se méfier les uns des autres, eux qui paraissaient si fiers de leur unicité il y a quelques instants.

Je profitai de ce moment où tout le monde se zieutait pour faire de même et analysai un peu plus ce qui m'entourait, notamment ceux au fond de la salle que je n'avais pas pu apercevoir avant. Certains humains étaient en laisse et assis sur les cuisses de leur maître, d'autres à genoux aux pieds de la chaise. Certains portaient de beaux vêtements et semblaient exhibés comme des trophées, d'autres encore avaient des masques pour les empêcher de parler, des marques au fer rouge et des loques en guise de vêtements. L'oncle de Taegan était assis au bout de la table, entouré de deux femmes vampires à la beauté ravageuse qui prenaient soin de garder une certaine distance avec le maître des lieux. L'humaine derrière lui, au teint de ceux qui ont pour habitude de travailler dans les champs, regardait le sol qui semblait sûrement plus intéressant que ceux autour d'elle.