Plusieurs semaines, dotées d'une ressemblance ennuyante, s'étaient écoulées depuis ma rencontre avec Maiko et le temps s'était considérablement rafraîchi. La jeune femme avait élu domicile chez moi et dormait dans mon lit, tandis que je faisais la même chose sur une couchette d'appoint juste à côté.
Ouais, j'étais très serviable comme garçon.
Elle ne me quittait pas d'une semelle et refusait de se confier. Mais bien qu'elle ne parlait pas beaucoup, j'avais fini par apprendre qu'elle était plus âgée que moi de trois ans, et qu'elle avait perdu son grand frère et ses parents. Mais elle ne semblait pas capable de m'en dire plus. Bien que j'étais de nature très curieuse, je n'avais pas cherché à en savoir davantage.
Cette nuit-là, comme tous les soirs, je fermai les yeux et lui souhaitai une bonne nuit, tout en espérant faire fuir ses mauvais rêves. Mais au lieu de me répondre comme elle le faisait habituellement, sa voix douce sembla vouloir me dire autre chose.
— Amory, je...je ne me souviens pas de tout. J'ai oublié, je ne comprends pas.
— Ce n'est pas grave. Si tu le souhaites, raconte-moi simplement ce dont tu te rappelles.
Elle se redressa complètement sur le lit et ramena ses genoux contre sa poitrine.
— Je suis désolée, j'ai l'impression d'être inutile. Tu es si gentil avec moi et je ne suis même pas capable de vous aider...
— Hé Maiko, tu n'as pas à t'en vouloir, lui assurai-je d'une voix que j'espérais rassurante. Tu as dû vivre des choses épouvantables et ton cerveau a préféré les effacer. Cela peut sans doute te paraître désagréable, c'est un moment de ta vie qui a disparu...mais je te promets que tu vivras bien mieux sans ces odieux souvenirs. Aussi, je m'en voudrais énormément de t'obliger à y replonger, alors raconte-moi simplement ce que tu sais sans forcer. Si tu sens que quelque chose remonte, un moment douloureux dont tu ne veux pas te souvenir, n'hésites pas à t'interrompre.
Ses yeux brillèrent légèrement comme si elle était sur le point de pleurer. Après un silence intense où seul le vent se faisait entendre, elle inspira un bon coup et commença ses éprouvantes explications.
— Je vais commencer depuis le début. C'était lors d'une fin d'après-midi, mes parents étaient allés chercher du bois pour le feu... Ca ne faisait que quelques minutes qu'ils étaient partis et...
Elle s'arrêta l'espace d'un instant, juste le temps de reprendre sa respiration.
— Et après avoir entendu leurs hurlements, mon frère et moi sommes sortis de notre maison. Un groupe de vampires assoiffés - des charognards dénués de raison et dépourvus de volonté propre - nous est tombé dessus. Mes parents ont été les premiers à mourir. Ils nous ont hurlé de partir loin, d'aller nous cacher ou de trouver de l'aide...J'étais tétanisée, je ne pouvais plus bouger. Puis...puis mon frère s'est interposé pour me protéger. Il n'a pas survécu, souffla-t-elle lourdement, seulement moi, j'ai pu être sauvée à temps.
À nouveau, elle s'arrêta dans son récit. Sa respiration était quelque peu erratique tandis que ses poings s'étaient crispés avec force. De mon côté, ma haine à leur encontre s'intensifia.
— Tu n'imagines pas à quel point je m'en veux, reprit-elle avec une certaine colère. La culpabilité de me savoir seule survivante m'a longtemps bouffée l'esprit. J'aurais tellement aimé mourir avec eux cette nuit-là... Mais non ! Ces satanés nobles sont arrivés trop tard et m'ont embarquée avec eux. Ils m'ont ensuite offerte au roi contre une importante somme d'argent...Je n'avais que quatorze ans à l'époque.
Une larme orpheline s'échappa de ses jolis yeux marron et roula sur sa joue. Elle ne se laissa pas abattre et poursuivit, la voix légèrement enrouée.
VOUS LISEZ
Dévoreur De Cœurs [BxB]
VampirosDans les confins de notre monde se trouve la Vallée, un lieu accueillant pour créatures humaines ou elfiques. Du moins seulement en apparence, car il y a toujours un prix à payer. Amory l'a compris très tôt. Cette dure réalité l'a percuté de plein...