18 ans après le massacre
Avant je pensais que la vie ne se résumait pas seulement à une question de survie. Mais à l'heure actuelle, je n'en étais plus aussi sûr. Surtout quand je voyais que les animaux ne ressentaient pas de culpabilité en tuant. Ils n'hésitent pas, ils tuent. Sinon c'est eux qui se faisaient tuer.
Je me dis que pour chaque vie que mon peuple a prise, il y avait toujours eu une bonne raison. Mais il ne faut pas oublier que les camps adverses avaient eux aussi leurs raisons. En voulant notre mort, les motivations des vampires, des Hydres et des loups étaient les mêmes que les nôtres après tout. C'était soit eux, soit nous. Tuer ou se faire tuer. Tout simplement.
À bien y réfléchir, tout était une question de survie finalement. Nous ne pouvions pas vivre sans la chasse, tout comme les vampires ne pouvaient pas vivre sans se gorger de notre sang. Ainsi allait l'équilibre de notre monde. Seulement moi, je n'arriverai jamais à de telles extrémités. Pas si j'avais le choix. C'est ainsi qu'apparaissait mon plus grand défaut - ma plus grande faiblesse -, je n'étais pas capable d'ôter la vie de mes ennemis. Encore un prétexte donné aux villageois pour pouvoir me haïr en toute bonne foi. Ma valeur diminuait, n'est-ce pas, si je n'étais pas capable d'abattre mes opposants ? Me contenter de les assommer n'était apparemment pas suffisant, du moins à leurs yeux. Moi je savais m'en satisfaire.
Le sifflement de l'air passant tout près de mon oreille me fit revenir à moi. Une flèche qui aurait pu être meurtrière venait de me frôler avant de se ficher dans l'arbre juste derrière le cerf. Je ne perdis pas plus de temps et décochai la fléchette de ma propre arbalète.
Dans le mille.
L'animal n'eut pas le temps de pousser un seul brame que sa robe beige était déjà tachée de rouge et son dernier soupir, envolé. J'avais visé le cœur pour qu'il n'ai pas le temps de souffrir. Son corps ne tarda pas à s'écraser dans la terre, dans un bruit sourd qui fit s'envoler les quelques oiseaux nichés sur les branches juste au-dessus de nous.
Mon regard brouillé de haine se reporta immédiatement sur Thyron. En plus d'avoir raté la cible, ce crétin avait failli me transpercer de son arme !
— La prochaine fois apprends à viser, lançai-je acerbe.
Son petit sourire arrogant et ses fossettes bien trop creusées me donnaient envie de l'étriper. Mais encore une fois, je pris sur moi. Il n'en valait pas la peine et ne méritait certainement pas une quelconque attention de ma part.
— Si tu veux bien servir de cible, je me ferais une joie de m'entraîner.
Si seulement ses répliques étaient aussi bonnes que son talent. Manque de chance, il en était dépourvu. En revanche, il avait un égo surdimensionné. Dommage que cela ne lui soit d'aucune utilité...
Sans pouvoir m'en empêcher, je lui lançais un énième regard meurtrier avant de reporter mon attention sur la carcasse devant moi. L'ignorer n'avait jamais été facile, il avait toujours eu le don de me faire sortir de mes gonds. Et il le savait très bien. Le ressentiment continuait de brûler au creux de ma poitrine quand deux de ses amis passèrent à côté de moi. Évidemment, sans omettre de me donner un coup d'épaule chacun. Je ne bougeai pas d'un iota et j'osai espérer qu'ils s'étaient eux-mêmes fait mal en me bousculant.
Ce genre de gestes m'était coutumier mais toujours aussi désagréable. Kole, le plus petit - et surtout le plus ingérable - était resté en retrait et fit craquer ses jointures tout en me lançant un regard mauvais. Le nain de jardin ne ferait même pas peur à un bébé. Ou peut-être que si en fait. Ses dents noircies et son demi-sourire barré par une cicatrice - qu'il s'était lui-même infligé pour se donner un air dangereux - parviendrait peut-être à attirer les gémissements d'un môme. Quelle connerie n'empêche... La blessure avait fini par s'infecter et il avait dû rester au lit pendant deux longues semaines. Mais le plus drôle restait tout de même le fait qu'il ne pouvait plus m'offrir ses sourires vicieux sans en gémir de douleur.
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Dévoreur De Cœurs [BxB]
VampirosDans les confins de notre monde se trouve la Vallée, un lieu accueillant pour créatures humaines ou elfiques. Du moins seulement en apparence, car il y a toujours un prix à payer. Amory l'a compris très tôt. Cette dure réalité l'a percuté de plein...