Dévoreur De Cœurs [BxB]

𝟑- 𝐑𝐞𝐭𝐨𝐮𝐫 𝐚𝐮𝐱 𝐬𝐨𝐮𝐫𝐜𝐞𝐬

Petit, j'étais animé d'une immense colère. Aujourd'hui encore, c'était toujours le cas. Même si elle s'était amoindrie... atténuée, je savais qu'elle ne disparaîtrait jamais. C'était une colère vive, une fureur oppressante qui pouvait m'enflammer pour un simple regard haineux.

Désormais, j'avais grandi, la course à travers une forêt sinueuse ne me faisait plus peur et l'entraînement intense qui a forgé et sculpté mon physique était une source de soulagement pour moi. Je n'avais plus à me reposer sur mes simples pouvoirs qui m'écorchaient la peau à chacune de leurs utilisations. Mon corps pouvait se battre et encaisser, à grand renfort d'acharnement, j'avais enfin réussi. J'étais désormais un pilier pour mon village.

Malgré tout, cela n'avait rien changé quant à la vision qu'ils avaient de moi. Ils me détestaient toujours autant. Chacun pour des raisons différentes. Mais l'une des choses qui faisait partie intégrante de ma personne mettait tout le monde d'accord. J'étais un elfe, et pas n'importe lequel, un esprit de l'ombre, une créature mauvaise, un Elfe Noir.    

Du côté des humains, ces derniers avaient toujours détesté les elfes, que ce soit pour leur arrogance, leur petit air supérieur ou alors leur condescendance. J'étais bien d'accord avec eux, j'aurais également aimé les voir s'étouffer avec. Malheureusement pour moi, ils m'incluaient dans le lot sans même chercher à me connaître. Et selon leurs dires, j'étais même encore pire. Car moi je m'entraînais à leur côté et je polluais leur oxygène.

Non... tout cela n'était qu'un prétexte. Le seul fondement qui les poussaient à me haïr était sans aucun doute ma différence. Dans un univers culturel axé sur la normalité, rester dans le rang demeurait crucial et impératif. C'est pourquoi la différence venait ouvrir une brèche. Et mes grands yeux bleus de la même couleur que mes cheveux, n'entraient pas dans cette case de normalité.

Pour ce qui était des Elfes Blancs, c'était une toute autre histoire. Ces êtres de la forêt à l'apparence angélique et à la magie blanche avaient grandement peur de ma puissance. Ils s'imaginaient que je pactisais avec le diable et que mon cœur allait se laisser corrompre par les ténèbres.

Pendant la Grande Guerre opposant les elfes de lumière à ceux de l'ombre, les vampires avaient profité de notre rivalité pour s'immiscer et anéantir mon peuple. J'étais le seul survivant et fut un temps où je regrettais de m'en être sorti. Ce génocide aurait dû provoquer quelque chose en moi mais je ne ressentais rien, du moins, je tentais de m'en convaincre. Je n'avais pas eu le temps de les connaître de toute façon, ni de découvrir qu'elle aurait pu être ma vie à leurs côtés. Mais ils m'auraient acceptés. Je serais des leurs, ils ne m'auraient pas rejeté simplement pour la nature de mon sang...

Enfin bref, ils craignaient que je sois possédé par l'âme vengeresse de mon peuple déchu. Car c'était bien connu, j'étais une personne dont l'âme était mauvaise par nature mais qui, attention, avait su combattre ses démons en étant élevé par la bonté du mage du village. Évidemment... Tout était faux. Cet elfe aux pouvoirs ancestraux, insensible à mes larmes, ma douleur, ma solitude et mes peurs, était le pire « père » qu'on pouvait m'attribuer. Et rien n'était moins sûr pour autant. Beaucoup croyaient encore que je n'étais rien de plus qu'une bombe à retardement qui risquait de leur exploser au visage le jour où ils s'y attendraient le moins.

Alors voilà de quoi ma vie était faite : d'injustice, de rejet et de douleur. Mais aussi d'une profonde et sincère amitié. En y repensant, si je ne les avais pas rencontrés, - Tyna et son frère Leyos - mes idées noires auraient pris le dessus et mon village n'aurait eu que ses yeux pour pleurer. Mais contrairement à ce que l'on pouvait penser, je n'aurais pas piqué de crise avant de tous les anéantir, je serais tout simplement parti, abandonnant tout un peuple qui me rejetait à son triste sort. Sans moi les hivers auraient été rudes, la nourriture en bien trop faible quantité et les disparitions encore plus importantes.