Douze ans après le massacre
Putain.
J'étais glacé jusqu'au sang et mon estomac criait famine. Les rayons du soleil qui ne cessaient de m'éblouir ne parvenaient même pas à me prodiguer un minimum de chaleur. Je ne portais qu'une cape d'un noir sombre - bien trop grande et qui m'alourdissait plus qu'autre chose - pour couvrir mes frêles épaules et je peinais à suivre le mouvement. Mon bonnet enfoncé sur mon crâne me barrait presque la vue tandis que mes bottes s'enlisaient dans la neige.
À chacune de mes enjambées, je manquais presque de me vautrer face contre terre. Les garçons devant moi ne m'auraient certainement pas aidé à me relever et ne faisaient aucun effort pour m'attendre. Pourquoi s'entraider alors que pour eux je n'étais rien de plus qu'une erreur, une créature mauvaise qui se cachait derrière une enveloppe semi-humaine ? Pourtant, malgré leurs préjugés, j'étais le seul ici à pouvoir sauver leur fesses d'ingrats d'une créature encore plus dangereuse que les loups ! Bien sûr, aucun ne l'admettrait, ça leur arracherait la langue que de me montrer un tant soit peu de reconnaissance.
Une nuée d'oiseaux s'envola sous le crissement de nos pas. Les adolescents autour de moi, tous âgés de quatorze ans au moins, décochèrent leurs flèches à l'affût d'une chasse exaltante. J'aurais pu moi aussi en attraper quelques uns mais je ne voulais pas épuiser ma magie ainsi. Pas au risque de croiser un ennemi dont toute trace d'humanité avait déserté le cœur et dont le corps était tonifié par l'âge et la puissance du sang. Un vampire récemment nourri était redoutable mais un en recherche de nourriture, davantage.
La famine n'était pas seulement un problème pour nous. Elle concernait tout notre monde, excepté ceux qui en abusaient pour leur seul plaisir, jusqu'au gavage, au détriment des autres.
Je reportai mon attention sur mes chers et précieux camarades... La récolte était plutôt bonne, deux faisans et une perdrix, de quoi faire tenir toute une famille pour au moins une semaine. Mais à mon grand damne et à mes pauvres jambes fatiguées et écorchées par les branches, Thyron ne voulait pas en rester là. « Ce n'était pas assez » disait-il. De mon point de vue c'était amplement suffisant, mais non, monsieur-je-me-crois-intouchable préférait s'enfoncer au plus profond de la forêt à la recherche d'un plus gros gibier.
— Les gars, ne baissez pas les bras et enlevez moi ces airs dépités de vos tronches avant que je ne vous donne une bonne raison de l'être ! Nos lances doivent bien servir à quelque chose !
— Il a raison, reprit un autre dont je peinais à me souvenir du nom. Pensez à vos familles qui auront de quoi remplir leurs assiettes !
Leurs visages sombres aux traits tirés s'illuminèrent d'un sourire empli de volonté. L'acclamation lors du retour suffisait à stimuler l'ego de ses abrutis en quête de reconnaissance. Le retrait de leur nom lors de la future Sélection était également un bon moyen pour les pousser à se surpasser. J'étais le seul à n'avoir rien à y gagner si ce n'est que mon estomac cesserait enfin de me faire souffrir.
Seulement, plus nous nous enfonçions dans les bois - chose complètement interdite - plus nous nous approchions des Dévoreurs de cœurs. C'est ainsi que nous surnommions ces bêtes assoiffées de notre sang. Les rumeurs racontaient qu'après nous avoir sucés jusqu'à la moelle, ils nous mangeaient le cœur, empêchant ainsi notre âme de trouver le repos.
Je frissonnais, sans savoir si c'était à cause de mes pensées ou simplement du froid qui courait sur ma peau.
Nous reprîmes rapidement notre course, cachés par les troncs des arbres qui se faisaient de plus en plus nombreux et resserrés. Leurs racines tortueuses me forçaient à garder les yeux rivés sur le sol afin de m'éviter une chute plus que ridicule. Je réunissais mes dernières forces en puisant au plus profond de mon être pour ne pas craquer tout en m'efforçant de ne pas penser à tout le chemin inverse qu'il me resterait à parcourir.
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Dévoreur De Cœurs [BxB]
Ma cà rồngDans les confins de notre monde se trouve la Vallée, un lieu accueillant pour créatures humaines ou elfiques. Du moins seulement en apparence, car il y a toujours un prix à payer. Amory l'a compris très tôt. Cette dure réalité l'a percuté de plein...