- Et 2 shots de vodka pour les jeunes gens !
Tout sourire, le barman place un verre minuscule sous mon nez. Chifuyu prend le sien et le tend vers moi. Comprenant le message, je fais tinter nos deux récipients et nous buvons d'un trait l'alcool qu'ils contenaient.
Je sens alors la vodka chauffer ma gorge puis ma trachée, et j'esquisse une grimace.
- C'est vraiment dégueulasse, je ronchonne.
- 2 whiskys, s'il-vous-plaît, lance Chifuyu au barman.
- Minute, Matsuno, on bosse demain.
- C'est moi le patron, Hanemiya. Bois, t'as besoin de décompresser.
- Depuis quand c'est toi qui me pousses à boire ? je m'étonne.
- Depuis que tu fais tressauter ta jambe comme un ressort.
Me rendant compte que c'était exactement ce que je faisais sans en avoir conscience, je croise mes jambes avant de m'accouder au comptoir.
Le serveur me donne un verre dont le whisky tapisse le fond. Il nous jette un regard compatissant, signifiant qu'il n'a pas perdu une miette de la discussion.
- Journée difficile ? questionne ce dernier.
- Pas qu'une, je soupire.
J'avale une gorgée de l'alcool brûlant et mes muscles se détendent petit à petit. Du coin de l'œil, j'aperçois Chifuyu m'imiter et nous terminons nos verres dans le silence. Bien que nous n'échangeons plus un mot, sa présence me réconforte et compense les effets que le whisky ne peut pas me procurer.
- Vous avez entendu cette histoire de meurtre dans la rue du Tokyo Comedy Bar, à Shibuya ? nous fait alors le barman.
- Difficile de passer à côté, marmonne Chifuyu.
- Eh bien, figurez vous que je connaissais la victime ! Ça m'a fait tout drôle d'apprendre ça, ce matin...
Je manque de m'étouffer avec ma propre salive.
- Vous le connaissiez ? je répète en toussotant.
- Tetta Kisaki ? Pour sûr ! Il était un de mes clients les plus fidèles il y a quelques mois de ça !
Il marque une pause, perdu dans ses souvenirs.
- Il venait toujours avec un autre type. Pour parler boulot, ou quelque chose dans ce goût-là. En tout cas, on pouvait dire qu'ils savaient s'habiller ! Pas une seule fois je les ait vu porter autre chose que des costumes.
Chifuyu et moi échangeons un regard. Je sais que nous pensons à la même chose.
- Et l'homme qui accompagnait Kisaki... Comment il était ? j'interroge.
- Il avait les cheveux et les yeux noirs. Difficile de m'en rappeler, ils ont arrêté de venir quand le Tokyo Comedy Bar a ouvert.
Ayant visiblement dit tout ce qu'il savait, il part prendre la commande d'un autre client tout en balançant son torchon sur son épaule.
Une piste. Après toutes ces années, on a une trace du passage de Mikey, une preuve qu'il est toujours en vie, et surtout encore à Tokyo...
- Tu ne crois pas qu'on devrait aller au Tokyo Comedy Bar ? je demande à Chifuyu.
- On ne peut pas y aller sur un coup de tête, répond-il. Il faut d'abord qu'on réfléchisse à un plan.
- Tu veux encore qu'on attende ?
- C'est peut-être encore dangereux. Ça ne me ressemble pas de dire ça, mais il faut qu'on se prépare à toutes les éventualités, surtout si on compte parler aux serveurs.
L'espoir disparaît tout aussi vite qu'il est apparu.
Chifuyu n'a pas tort... Qui pourrions-nous retrouver là-bas ? Et si le meurtrier des membres du Toman se pointait pile au moment où nous y allons ?
Mais à la fois, n'avons-nous pas suffisamment patienté ? N'est-ce pas l'occasion idéale d'agir ?
- Bon ! On se fait un karaoké et on reparle de tout ça demain ?
Il se lève et s'étire tandis que je laisse quelques billets sur le comptoir pour payer nos verres. L'alcool continuant de faire effet, la tête me tourne un peu lorsque je me dirige vers la sortie.
Perdue dans mes pensées, je suis distraitement Chifuyu. Mais je heurte brutalement quelqu'un au moment où je passe la porte, ce qui me ramène immédiatement sur terre.
- Pardon ! je m'exclame. Excusez moi, je faisais pas attention...
L'homme ne me répond pas et Chifuyu étouffe un rire. J'ai tout juste le temps d'apercevoir des longs cheveux noirs avant que la porte ne se referme derrière moi.
- Plus tu vieillis, moins tu tiens l'alcool, ricane-t-il.
- Est-ce que je dois te rappeler que c'est moi qui te soutenais quand tu gerbais dans les toilettes des boîtes de nuit ?
- C'est arrivé une fois ! se défend-il.
- 2, pour être plus exacte.
Il pousse un soupir et nous rions en cœur. Tandis que nous prenons le chemin du karaoké le plus proche, je jette un dernier regard au bar dans lequel nous étions.
J'ai l'impression qu'un poids me pèse sur l'estomac quand je repense à l'homme que j'ai bousculé. J'ai la désagréable et étrange sensation de l'avoir déjà vu quelque part...
° •. ✮ . • °
- Chifuyu !
Essoufflée d'avoir couru du métro jusqu'à l'animalerie, je pousse la porte et m'avance vers la caisse où Chifuyu est occupé à lire.
- Qu'est-ce qui se passe ? sourit-il en levant le nez de son livre. T'as rarement eu autant d'énergie un mardi matin.
- Par rapport à la discussion d'hier... Je veux aller au Tokyo Comedy Bar ce soir.
Son sourire s'efface quand il comprend que je ne blague pas du tout. Il me dévisage quelques instants en tripotant sa boucle d'oreille d'argent.
- Je suppose que tu changeras pas d'avis, quoique je dise ?
Je hoche la tête. En effet, je suis bien décidée à m'y rendre ce soir... Et ce, peu importe les arguments qu'il me donnera.
J'ai longuement réfléchi à la question la nuit dernière. C'est maintenant ou jamais que nous devons retrouver Mikey. Je suis intimement persuadée de pouvoir trouver des indices là-bas.
Le visage de Chifuyu se fend de nouveau d'un sourire.
- Alors, je te soutiendrai. Tu peux compter sur moi, Isuzu.
Il tend son poing vers moi et je le cogne avec le mien. Ses yeux verts expriment l'assurance et la confiance qu'il a en moi. Comme c'est rassurant de savoir qu'il est là...
La clochette de l'entrée tinte au même moment. Ravi d'accueillir son premier client depuis plusieurs jours, Chifuyu abandonne son livre et se lève de son tabouret pour lui proposer son aide.
Peke-J vient se pelotonner à la place qu'occupait son maître quelques secondes plus tôt. Je le regarde vaguement faire, songeuse. Même si je ne trouve aucun nouvel élément sur Mikey, au moins je serai sortie de ce rôle de spectatrice que je déteste tant.
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Au fer rouge (Mikey Manille x OC)
Fanfiction« Isuzu. Il faut qu'on arrête de se voir. » Voilà 10 ans que Manjirô Sano a prononcé ces mots avant de disparaître. Malgré de multiples recherches, je n'ai jamais réussi à retrouver sa trace, et cela fait maintenant longtemps que j'ai abandonné l'id...