Les mains dans les poches, les cheveux noirs à présent coupés courts et les yeux exprimant un vide sans fond, Manjirô Sano s'avance vers moi d'un pas lent. L'atmosphère s'est alourdie aussitôt qu'il a posé un pied dans l'animalerie.
Son aura me rappelle horriblement celle qu'il possédait hier soir. Nous demeurons longuement silencieux, les yeux rivés l'un sur l'autre, et je me fais violence pour ne pas ciller. Sa froideur est telle qu'elle m'en glace le sang ; et Aya a dû le sentir également puisqu'elle se met à trembler.
- Hum... Bon..., bredouille-t-elle. Je te laisse mon numéro, Isuzu, appelle moi plus tard...
Elle inscrit rapidement son numéro de téléphone sur un bout de papier avant de quitter l'animalerie sans se faire prier. Une fois la porte claquée, Mikey pousse un soupir et se détourne de moi pour contempler les rayons.
C'est la première fois que sa présence est aussi menaçante.
- Je pars à Manille, annonce-t-il alors d'une voix sans timbre.
- Aujourd'hui ?
- Dans quelques semaines. Je venais te demander une dernière fois si tu voulais venir avec moi.
Interloquée, je le dévisage mais ne lui répond pas. De son côté, il ne daigne toujours pas à me regarder.
- Vu ton absence de réaction, je dois en conclure que tu es au courant de tout ? finit-il par demander d'un ton las.
- Si tu parles de tous les meurtres que tu as commis, oui je suis au courant, je réponds. J'étais avec Chifuyu hier soir.
- Je comprends mieux. C'est pour ça que les flics me soupçonnent.
Je reste silencieuse. Le moindre faux pas pourrait m'être fatal.
- Je t'avais bien dit que tu le regretterais, Suzy.
J'aurais préféré qu'il se mette à crier. Entendre sa voix pleine de remord est encore pire que de le voir en colère. L'aura de Mikey se teinte alors d'une mélancolie déchirante, et l'air se désépaissit.
Il relève la tête vers le plafond, puis inspire en fermant un instant les paupières.
- Je sais ce que tu comptais faire en me retrouvant, reprend-il. Mais tu ne pouvais pas empêcher ma propre perte. Même moi, je n'ai rien pu faire contre ça.
- Mais pourtant...
- Je les ai tous tués, Suzy, me coupe-t-il. Tous. Et pourtant, à chacun de ces meurtres, je n'ai rien ressenti du tout.
- Arrête !
Je me lève si brusquement que mon tabouret tombe au sol. Pour la première fois depuis le début de la conversation, Mikey tourne la tête vers moi. Mon cœur se serre : mes émotions forment un volcan prêt à entrer en éruption. Enfonçant mes ongles dans mes paumes, je m'efforce tant bien que mal de garder le contrôle.
Le regard vitreux, il n'y a plus aucune trace ni de l'adolescent qu'il était, ni de l'homme que j'ai côtoyé ces dernières semaines. Non, à cet instant précis, Mikey n'est plus que l'ombre de lui-même.
- Quand j'ai tué Kazutora, poursuit-il, il m'a demandé d'exclure Chifuyu du Toman pour que vous soyez tous les deux épargnés, et que vous puissiez vivre heureux à l'écart de tout ce bordel. Pourtant, il a quand même fini par mourir. Personne n'aurait pu éviter ça, pas même toi.
- Je t'ai demandé d'arrêter !
- Je répands le mal partout où je vais. Je pensais que tu le savais.
- La ferme !
La rage me submerge alors comme une vague de magma brûlante, occultant tout le reste.
Saisissant la stupide baguette que Chifuyu utilisait pour se la jouer sorcier, je la jette sur Mikey qui lève son avant-bras pour se protéger. Nos regards se croisent lorsqu'il l'abaisse ; et la colère atteint finalement son apogée. Rester calme dans un moment pareil m'est tout bonnement impossible, même avec le danger qu'il représente.
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Au fer rouge (Mikey Manille x OC)
Fanfiction« Isuzu. Il faut qu'on arrête de se voir. » Voilà 10 ans que Manjirô Sano a prononcé ces mots avant de disparaître. Malgré de multiples recherches, je n'ai jamais réussi à retrouver sa trace, et cela fait maintenant longtemps que j'ai abandonné l'id...