18 : Manjirô Sano ?

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- Isuzu !

J'ai un sursaut si brutal que j'en lâche le livre dans lequel j'étais plongée une seconde plus tôt. Tout en portant une main à mon cœur, je me tourne vers la personne qui vient de pénétrer dans mon appartement.

- Comment t'es entré ?

Mon rythme cardiaque peine à reprendre une vitesse normale, et les yeux noirs de Mikey n'arrangent pas les choses. Il est bien plus joyeux qu'à l'accoutumée, ce qui me rappellerait presque sa jeunesse.

Une semaine s'est déjà écoulée depuis notre dernier appel. Comme promis, Chifuyu et moi avons été particulièrement attentifs aux actualités ; mais il n'y a eu ni meurtre ni disparition de  mentionné, et les noms de Yamada et d'Ikeda ne sont pas ressortis. Pour le moment, Mikey demeure donc toujours innocent... Jusqu'à preuve du contraire.

- Je t'avais écrit sur le post-it que j'avais pris le double des clés, répond-il en me les montrant. C'est comme ça que je suis sorti de chez toi la semaine dernière.

- Ah, oui..., dis-je, l'air vague. J'avais oublié.

- Tu lisais quoi ?

Je referme le livre pour laisser apparaître le titre et le pose soigneusement sur la table basse.

- Harry Potter à l'école des sorciers ? cite Mikey.

- Chifuyu m'en a tellement vanté les mérites pour que je commence... J'ai craqué il y a quelques jours.

- Ah d'accord, grogne-t-il, soudain de moins bonne humeur.

Il lisse paresseusement son costume trois pièces noir et je le regarde faire en silence. Le fait qu'il soit encore impeccablement habillé m'inquiète plus que ça ne m'impressionne.

- Sinon, tu travailles pas demain ? reprend-il. Comme on sera dimanche...

- Tu veux aller quelque part ?

- Ça fait un moment que je voulais y retourner avec toi, acquiesce-t-il. T'es d'accord ?

Je hoche la tête tandis que ses lèvres s'étirent jusqu'à ses oreilles. Le voir ainsi me réchauffe le cœur, et je me sens même plus légère lorsque nous rejoignons sa moto garée en bas de l'immeuble. Ce sourire jovial lui va à ravir.

Mikey fait rugir le moteur de sa bécane pour démarrer, ce qui m'arrache un sourire à mon tour. Quand il se comporte de cette façon, j'ai l'impression de retrouver l'adolescent qu'il était. Il ne manquerait plus que sa légendaire veste du Toman ainsi que ses cheveux blonds pour s'y croire.

- Tu te rappelles quand on faisait des tours de bécane ? me crie-t-il en slalomant entre les voitures.

- Évidemment, même l'hiver on sortait exprès pour ça.

Il accélère et je me cale davantage contre son dos. Cela ravive chacun des souvenirs de nos sorties tard la nuit, lorsque nous étions seuls au monde. Nous pouvions passer des heures à tourner dans Tokyo, silencieux, perdus sous le ciel étoilé. Rien ne nous enlevait le plaisir qu'on y prenait, pas même la pluie battante ou une canicule étouffante.

Assise derrière lui et savourant chaque instant passé en sa présence, j'en oublie les inquiétudes à son sujet. Mikey a le don d'éclipser tout le reste en sa faveur.

Un vent froid et salé s'écrase alors contre mes joues. Immuable et éternelle, l'odeur de marée n'a pas changé depuis tout ce temps. Il n'y a que peu de lampadaires du côté du port, mais la lune éclaire suffisamment les lieux pour nous permettre de voir clair.

Mikey freine pour s'arrêter doucement contre le muret de pierre sur lequel nous avons échangé nos rêves ainsi que de nombreux taiyakis. En y prenant place, je croise les bras contre ma poitrine pour conserver un peu de chaleur. La beauté de l'endroit n'enlève pas son air glacé et humide.

Au fer rouge (Mikey Manille x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant