13 : Oulah, relax mec !

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Chifuyu et moi parcourons rapidement les allées connues du cimetière où nos amis, proches ou non, ont été enterrés. Les nuages gris et chargés de pluie alourdissent davantage l'ambiance lugubre de l'endroit. La météo est si livide qu'elle donne des allures spectrales au visage de Chifuyu, déjà pâli par le souci.

- Qu'est-ce qu'on cherche exactement ? je murmure, comme si le simple fait de parler à voix haute troublerait le sommeil des défunts.

- La tombe de Mitsuya ou de Shiba. S'ils sont morts sans qu'on en ait eu vent, alors ils sont forcément ici...

Mais après de longues minutes de recherche et d'allers-retours, nous ne trouvons pas l'ombre de leur tombe. Nous ne sommes pas déçus pour autant ; au contraire, cela voudrait dire qu'ils sont toujours en vie. Que ce soit à Tokyo ou ailleurs, leur cœur continue de battre et c'est tout ce qui compte.

Nous profitons de cette venue pour rendre une courte visite à nos proches, en terminant par mon frère.

Pour la énième fois, nous joignons nos mains l'une à l'autre, silencieux. Je remarque immédiatement que la tombe de Kazutora est la plus vide de toutes, en dehors d'un chrysanthème reposant tristement dans un vase. Ma mère est certainement passée par là il y a peu de temps.

- J'aurais dû apporter quelque chose, je souffle d'un ton penaud.

- C'est ta mère qui a laissé la fleur ?

- Je pense. Je ne vois pas qui d'autre aurait pu le faire...

Chifuyu soupire et s'accroupit devant la pierre. Il resserre son manteau autour de ses épaules, frissonnant.

- Tu m'as bien dit qu'elle n'arrêtait pas de s'excuser auprès de Kazutora, même après sa mort ?

Je réponds positivement avant de m'assoir à côté de lui.

- Et toi ? questionne-t-il en fronçant les sourcils. Elle ne t'a jamais demandé pardon ?

- Non, jamais, mais elle n'a pas de raisons de le faire.

- Hein ? s'effare-t-il, les yeux ronds. Je croyais que ton père vous battait avant que tes parents divorcent ?

- Moi, il ne m'a jamais touchée. Même si je n'étais pas d'accord avec ça, Kazutora insistait pour tout prendre à ma place. Alors pourquoi s'excuserait-elle de ne pas m'avoir protégée puisque je l'ai toujours été grâce à mon frère ?

- Quel bordel, maugrée-t-il.

- J'ai essayé d'inverser les rôles, mais il trouvait quand même le moyen de me mettre à l'écart des coups de mon père, je poursuis, les yeux rivés sur la tombe de Kazutora. J'aurais aimé lui rendre la pareille avant que...

Ma voix se brise et je ne parviens pas à achever ma phrase. Les regards accablés de Chifuyu et moi se croisent. Il me frotte doucement le dos, tout autant pour me réconforter que pour me signifier qu'il est là. Je laisse ma tête aller sur son épaule et nous demeurons quelques minutes immobiles, partageant la profonde douleur que nous éprouvons tous les deux depuis des années.

À mes yeux, Chifuyu est bien plus qu'un meilleur ami ; il est le second frère que je n'ai jamais eu. Nous n'avons pas besoin de liens du sang pour partager des sentiments fraternels qui vont bien au-delà des mots.

Un homme entre dans le cimetière au même moment. La brume naissante lui donne une silhouette fantomatique peu rassurante, et nous nous levons pour l'observer de plus près.

Ce n'est que lorsqu'elle s'approche de nous que je reconnais cette personne : trench marron attaché de haut en bas, les mains dans les poches et la démarche nonchalante, Mikey a le visage tout autant dénué d'émotions que d'habitude. Une mèche de ses cheveux de jais recouvre à moitié son œil gauche, dont la pupille n'est pas illuminée par la folie enfantine qui le caractérisait autrefois.

Au fer rouge (Mikey Manille x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant