4 : Tokyo Comedy Bar

424 39 43
                                    

Le cœur battant à tout rompre, j'entre dans le Tokyo Comedy Bar. Chifuyu étant resté à contrecœur jusqu'à l'heure de fermeture de l'animalerie, je me dirige seule vers le comptoir et prends place sur un des tabourets.

Je balaye rapidement l'endroit du regard. Les lumières tamisées plongent le bar dans une atmosphère calme et détendue. Malgré le nombre élevé de clients, la rumeur des conversations est basse. On ne soupçonnerait pas qu'un meurtre a eu lieu deux jours plus tôt à quelques pas d'ici.

Je tire une mèche de mes cheveux bruns et l'enroule autour de mon doigt. Me remarquant finalement, un serveur s'approche de moi.

- Qu'est-ce que je vous sers, mademoiselle ?

- Une limonade, s'il-vous-plaît.

L'homme assit à ma droite a un sursaut en entendant ma voix. En le reconnaissant, mon rythme cardiaque s'accélère davantage.

- Et voilà pour vous !

Je ne prête pas attention au sourire dragueur que le barman m'adresse. Non seulement le type à côté de moi est le même que j'ai heurté hier soir, mais c'est également...

- Mikey ?

J'ai parlé d'une voix si basse que je n'aurais pas été étonnée qu'il ne réagisse pas. Mais à l'entente de son surnom, il relève la tête et se tourne vers moi.

Je suis tout d'abord frappée par le changement qui s'est opéré en lui. Ses cheveux noirs et longs encadrent son visage toujours empreint de cet air enfantin qui le caractérise. Il porte un costume trois pièces rayé, taillé à la perfection, et d'apparence coûteuse. Il a l'air si différent tout en étant resté le même. Son expression et son regard n'ont pas changés depuis son adolescence. Je ne peux m'empêcher de noter à quel point l'âge adulte lui sied ; ou peut-être avais-je simplement oublié le charme hors normes qu'il possédait déjà à l'époque.

Mikey est là, en chair et en os. Je peine à y croire.

- Isuzu..., souffle-t-il. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je pourrais te poser la même question, je réponds avec un léger sourire.

- Moi ? Je prends une pause.

En me rendant un petit sourire, il me désigne le verre posé en face de lui. Il est rempli d'un alcool ambré que je devine être du whisky.

- Combien d'années ça fait ? reprend-il. 8 ans ?

- 10, je corrige.

Depuis que Takemichi n'est plus à ses côtés, plus exactement, ce dont je me garde bien de préciser. Un seul faux pas et il me filera de nouveau entre les doigts.

Mais à l'instant même où j'ai pensé à ça, Mikey a cessé de sourire. Le regard soudain sombre, il se lève en abandonnant son verre.

- Je dois partir.

- Partir ? je répète. Déjà ?

Il s'apprêtait à s'exécuter mais j'attrape sa main au dernier moment. Avec la chaleur étouffante de l'été et le costume qu'il porte, je m'attendais à ce qu'elle soit brûlante, mais c'est étrangement tout le contraire...

- Où tu vas ?

- Ne t'approche pas de moi, Isuzu. Tu le regretteras.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Ne cherche pas à savoir. Reste le plus loin possible de moi. Crois moi, ça vaut mieux pour toi.

Sa voix a une teinte de tristesse qu'il ne parvient pas à cacher. J'aurais dû me douter que les choses ne seraient pas aussi faciles...

Profitant d'un instant d'inattention de ma part, il se dégage de ma poigne et se dirige vers la sortie.

- Mikey ! je l'interpelle alors qu'il commence déjà à marcher dans la rue.

Il ne se retourne pas et met les mains dans les poches de son pantalon.

- Je t'attendrai, je poursuis d'une voix forte. Demain, même heure, même endroit. Je serai là.

J'ignore s'il m'a entendue, mais même si ce n'est pas le cas, il n'aura pas d'autre choix que de revenir demain. S'il croit que je vais me laisser impressionner par quelques menaces, il se trompe sur toute la ligne...

° •. ✮ . • °

- Tu lui as volé son portable ?

Chifuyu reste bouche-bée face à mon annonce.

J'étais si contente d'avoir retrouvé Mikey que j'ai immédiatement foncé chez mon ami pour tout lui raconter. Je suis arrivée au plein milieu de son repas, mais peu importe... Ce soir, nous avons eu notre première victoire depuis des années.

- Alors çà ! s'exclame-t-il, les yeux brillants. C'était du...

- ... du génie ? j'achève, souriant de toutes mes dents.

Je pose le téléphone de Mikey au milieu de la table. Nous le fixons un moment, peinant à réaliser.

- Comment tu t'y es prise ? questionne-t-il, toujours ébahi. Il s'est rendu compte de rien ?

- Quand je l'ai rattrapé par la main pour retarder son départ, j'ai vu son téléphone dépasser d'une poche de sa veste... Donc j'ai saisi l'occasion. Comme ça, il sera obligé de revenir demain s'il veut le récupérer.

- Tu crois qu'on l'allume ?

Je tends une main hésitante vers le téléphone. Chifuyu hoche alors la tête et j'appuie sur le bouton.

L'écran s'allume et nous écarquillons les yeux en reconnaissant la photo du fond d'écran de déverrouillage.

L'écran s'allume et nous écarquillons les yeux en reconnaissant la photo du fond d'écran de déverrouillage

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

- Cette photo ! s'exclame Chifuyu. C'est celle de la commémoration de la fondation du Toman ! On l'a prise peu de temps après notre victoire contre les Black Dragons... Je pensais pas que Mikey l'aurait gardée...

- Je crois que c'est la seule info qu'on aura, je soupire. Il y a un code.

Son enthousiasme disparaît aussitôt. Avec un mince espoir, j'essaie d'abord d'entrer la date de naissance de Mikey, puis la date de fondation du Toman ; sans succès.

Je repose le téléphone avec un geste brusque, déçue.

- Tiens, relance Chifuyu en me donnant son paquet de nouilles à moitié entamé. Je suppose que t'as pas mangé.

Je hoche la tête et prends ses baguettes. Depuis la mort de Baji et le départ de Takemichi, il partage ce rituel avec moi. Au fil des années, c'est devenu quelque chose de banal pour nous deux.

Tandis que j'achève notre repas, il reprend le livre dans lequel il était plongé le matin même.

- T'as arrêté les mangas ? je remarque.

- Juste une pause, le temps de finir ce chef-d'œuvre. J'ai déjà fini les trois premiers tomes.

Tout fier, il me montre la couverture où le titre indique Harry Potter et la coupe de feu.

Je hausse simplement les épaules en guise de réponse. Vexé de mon manque de réaction, il me jette un regard noir et poursuit sa lecture.

Cependant heureuse de ne pas être seule chez moi ce soir, je reste un long moment assise avec lui. Une soirée avec Chifuyu est un cadeau qu'on ne peut pas refuser, surtout avant la tempête qui s'annonce demain...

Au fer rouge (Mikey Manille x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant