Chapitre 3 - L'épouse

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Dring.

Dring.

« Ugh. » grommela Aina, ouvrant délicatement les paupières.

Dring.

Dring.

Le tintement qui résonnait dans la pièce continuait.

Qu'est-ce que... ?

Elle couina, enfonçant son visage dans le coussin sur lequel sa tête était posée. Le matelas était terriblement confortable et le froid de la pièce ne lui donna pas plus envie de quitter la chaleur de son plaid. Elle bailla, avant de s'étirer, en faisant craquer les os de ses épaules et son cou. Elle était toujours dans sa chambre grise, à l'endroit même où Elvan l'avait laissée.

Combien de temps ai-je dormi... ? se fit-elle silencieusement la réflexion.

Elle n'en avait aucune idée. Tout ce dont elle était sûre était qu'elle avait fait un rêve, mais que celui-ci lui avait échappé dès l'instant où elle avait émergé de son sommeil profond. Elle ne savait pas de quoi il était question, mais elle avait eu cet espèce de sentiment étrange de malaise en se réveillant.

Ça devait être un cauchemar.

Elle rêvait beaucoup ses derniers temps, mais ne se souvenait jamais de rien.

Elle posa les yeux sur l'horloge accrochée juste entre les deux fenêtres qui donnaient sur l'arrière-cours. Elle était rouillée et paraissait être presque aussi vieille que le manoir. Ses aiguilles en argent affichaient d'ailleurs toujours la même heure : 03h12. La seule manière de connaître l'heure avec précision était de se référer à la position du soleil et au balancier des vieilles pendules qui – étonnement – fonctionnaient toujours. Cela était d'ailleurs l'une des étrangetés de cet endroit.

Une maison noire comme la cendre, baignée dans l'obscurité et perpétuellement figée dans le temps, quoi de mieux pour faire jaser les nobles de l'empire. Les pendules, horloges et montres de toutes sortes ne fonctionnaient pas dans ce lieu. Toutes finissaient par se stopper en atteignant l'heure fatidique et ne repartaient plus jamais.

Aina n'avait jamais été témoin de ces évènements, mais elle avait entendu les autres servants en discuter il y a longtemps.

Dring.

Dring.

Elle sursauta en entendant l'une des cloches, qui étaient pendues à des fils à côté de la porte, se mettre à sonner. De petites cloches en or, surmontées d'un chiffre, supposées représenter les différentes pièces de la maison où Aina aurait pu être appelée. Elvan lui avait assuré qu'il s'occuperait de tout, mais elle se fit la réflexion qu'il était peut-être occupé avec autre chose, vu l'insistance de la personne à l'autre bout du fil. Elle fut presque tentée de ne pas répondre, conformément aux consignes du majordome, mais se ravisa. Elle ne pouvait pas se permettre d'être oisive. Elle était une employée de cette maison prestigieuse et devait faire honneur à ce titre, d'autant plus qu'elle ne savait pas ce que les maîtres feraient s'ils apprenaient qu'elle paraissait.

La chambre 3.

Elle haussa légèrement les sourcils en voyant cela, car l'occupant de cette partie de la maison était l'un de ceux qu'il était particulièrement difficile d'apercevoir autrement que lors des hebdomadaires repas de famille des Signavit. Cela devait faire quelques instants déjà qu'il actionnait la sonnette, aussi s'empressa-t-elle de sortir du lit, pour réarranger son apparence.

Elle se plaça devant le grand miroir mural, juste en face du lit et contempla son apparence désordonnée en fronçant les sourcils. Des cheveux noirs aux reflets framboisé en bataille, une peau pâle comme un jour d'hiver et deux grands yeux bleu clair, légèrement transparent au centre, qui ne reflétaient rien d'autres que le vide. Aina ne se trouvait pas très jolie. Elle ne se pensait pas disgracieuse ou difforme, mais ne possédait aucun trait particulier qui la rendrait remarquable aux yeux des autres. Elle avait le teint blafard, les traits froids et le regard dénué de toute émotion, comme celui d'une poupée de porcelaine. Elle n'était habituellement pas très expressive, si bien que la plupart des gens parvenaient difficilement à déchiffrer ses pensées et attitudes, mais cela était ce qui faisait d'elle une domestique compétente. Elle ne se préoccupait pas des affaires des autres, ne donnait jamais son avis et ne laissais jamais transparaître ses émotions, sauf en de rares occasions.

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