Chapitre 9 - Le banquet

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« Tout est prêt ? » s'enquit Elvan en astiquant un verre à pied de son petit mouchoir blanc personnel.

Il le déposa ensuite sur la nappe couleur rouge sang, un air satisfait au visage.

« Il ne reste que les verres. » lui répondit Aina, qui époussetait délicatement la surface du plateau en argent qui allait trôner au centre de la table.

Elvan hocha la tête, un vague sourire aux lèvres, avant de glisser sa main couverte d'un gant blanc, dans la poche intérieure de sa veste de costume noire, ornée d'une rose rouge. Il en sortit une vieille montre à gousset en métal argenté, qui semblait avoir déjà subi les ravages du temps, vu les petites tâches de rouille qui parsemaient son cadran. Aina l'observa fixer les petites aiguilles avec attention, comme hypnotisé.

« Il nous faut nous hâter. Les maîtres vont bientôt arriver. » souffla-t-il, comme à lui-même, avant de refermer son trésor et de disparaître quelque part dans le couloir menant à l'étage.

Il est sûrement allé chercher quelque chose.

Elvan ne faisait pas vraiment cas de sa présence, mais elle ne s'offusqua pas. Il était après tout le majordome en chef, le superviseur des servants du château et ne pouvait donc pas se permettre de faire preuve d'oisiveté en un jour si important. Le banquet était une occasion spéciale, pendant laquelle les membres de la famille se réunissaient tous autour de la table.

Un évènement particulièrement rare.

Cet instant était le seul de la sorte, car les Signavit n'étaient pas des gens très chaleureux et avenants. Même en étant de la même famille, il était particulièrement inhabituel pour eux de se réunir, même le temps d'un repas. Leur mode de vie ne ressemblait en rien à celui du petit peuple de la ville et cela, toute personne ayant jamais visité ces lieux l'avait compris.

La soirée va être chargée... pensa-t-elle en trottinant jusqu'au buffet en chêne noir, qui surplombait le petit salon, là où la vaisselle et les décorations de table étaient rangées.

Derrière une petite porte en verre, fermée par un verrou, elle aperçut six calices en or, élégamment décorés de rubis. Elle glissa la main dans la poche de sa robe et attrapa le trousseau de clés qu'elle possédait. Il était lourd et imposant et elle soupira lourdement en commençant à le remuer des doigts.

Au bout d'un long moment, elle tomba sur une petite clé de la même couleur que les moulures qui entouraient le meuble et l'attrapa. Elle glissa le bout dans la serrure, avant de tourner délicatement l'objet et que le cliquetis du mécanisme se fasse entendre. La porte s'ouvrit ensuite et la jeune femme reposa l'objet dans son uniforme. Elle attrapa l'un des verres et le glissa entre son majeur et son index. Elle réitéra ensuite l'opération avec les autres calices et traversa finalement la pièce pour se rendre dans le grand salon, dans lequel elle vit Elvan à nouveau.

Il était occupé à installer des fleurs dans un grand vase noir, avec une application toute particulière. Elle déposa la belle vaisselle le long des assiettes, en prenant soin de tourner chacun des contenants, de sorte que le blason de la famille soit bien en face de chacune des chaises.

Elle se recula ensuite et épousseta son tablier, avant de s'installer bien droite contre le mur, juste à côté de la grande porte donnant sur le couloir. C'était par-là que les maîtres entreraient et c'était également ici qu'elle devrait les accueillir. Elle jeta un coup d'œil à la table soigneusement dressée, sur laquelle Elvan et elle avait passé plus de trois heures et arbora un air quelque peu satisfait.

Tout était prêt : la nape en satin rouge, la vaisselle en porcelaine noire, les couverts en or et les verres dont la valeur avoisinait le montant d'un petit manoir. Le bouquet de roses rouge, arrangées dans un luisant vase noir complimentait parfaitement la décoration de la table à manger et les deux imposants chandeliers qui brillaient de chaque côté. L'or dans lequel ils étaient sculptés refléta les rayons presque aveuglants du lustre en cristal qui pendait lourdement au centre de la pièce, tremblant presque imperceptiblement à chacun de leur pas.

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