Chapitre 50 - Dépersonnalisation

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« J'y vais, ok ? » souffla Alexander en déposant un baiser sur le front de sa petite sœur. « Je reviens dans 5 minutes. »

Elle hocha la tête avec un petit sourire. Son premier depuis un moment. Lorsqu'elle entendit la porte claquer dans l'entrée, elle se laissa tomber sur le canapé gris souris en soupirant. Elle scruta le grand appartement, dont les contours et la vue lui semblaient très peu familiers et pourtant réconfortants.

Ca y est. Nous y sommes.

Leur nouvel appartement était prêt.

Isabella se sentait encore un petit peu mal à l'aise dans cet endroit et avait encore du mal à l'appeler sa maison, mais elle commençait à s'y faire. Elle s'habituait de plus en plus au grand salon baigné de lumière au centre duquel trônait un canapé d'angle gris, face à la l'écran plat et à la large table à manger circulaire, placée juste en face de la cuisine américaine couleur olive.

Ce lieu ne ressemblait en rien à leur précédente demeure. Tout y était plus grand, plus moderne et plus lumineux. Elle devait remercier Alexander, pour sa persévérance. C'était lui qui s'était démené depuis plusieurs mois pour leur trouver ce petit coin de paradis. Ce nuage de paix.

Celui auquel ils avaient aspirés toutes ces années.

En le regardant, elle se sentit étrangement submergée par l'émotion. D'abord une profonde joie, d'avoir enfin pu s'éloigner de l'enfer dans lequel ils avaient toujours vécus et puis une intense tristesse, de ne pouvoir partager cela avec leur famille au complet.

« Maman... » souffla Isabella, en fermant les paupières.

Cela faisait déjà six ans qu'elle les avait quitté. Six ans qu'elle avait mis fin à ses jours, dans leur ancienne demeure... Là où ils avaient tant soufferts.

A sa mort, rien n'avait plus été pareil. Leur père avait pratiquement sombré dans la folie et eux avaient patiemment attendus leur majorité pour s'enfuir loin de lui et loin de Grant. La disparition de leur mère avait laissée des traces, qui ne disparaitraient probablement jamais.

[C'est ta faute si elle est morte !]

Des mauvaises...

[La cours déclare l'accusé coupable de viol et le condamne à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, avec interdiction d'approcher la victime, son lieu de vie ou ses proches et de la contacter.]

Et des bonnes.

Leur mère avait en effet fait appel à la police, avant sa mort, pour signaler les violences de son père et le crime de Grant. Elle s'était ainsi assurée qu'aucun d'eux ne pourraient plus s'approcher de ses enfants, même après son départ. Au début, Isabella avait voulu tout taire et ne pas parler de ce qu'elle avait vécue, parce qu'elle avait honte et qu'elle voulait oublier, mais Alexander l'avait soutenue et encouragée à demander réparation et justice pour elle et pour sa mère.

La bataille avait été longue et douloureuse pour elle, comme pour son entourage, mais elle ne regrettait pas de l'avoir fait. Celle contre son bourreau avait été la plus éprouvante, car elle avait dû être la cible des brimades de ceux qui croyaient en son innocence.

Ceux qui croyaient à la façade qu'il avait toujours montré au monde.

Et elle le comprenait.

Comment ne pas douter, lorsqu'une jeune femme sortie de nulle part accusait tout à coup un jeune homme que tout le monde qualifiait de l'homme parfait, faisant de l'ange que tout le monde percevait, un démon ?

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