Chapitre 47 - Rencontre

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« Que se passe-t-il maman ? » s'étonna Alexander, assis juste à côté d'elle à la table du salon.

L'intéressée, qui se tenait droitement le long du mur, les mains jointes sur ses genoux, n'ajouta rien, fixant les deux jeunes gens d'un air apathique et dénué de toute émotion. Leur mère, dont la belle chevelure blonde était pitoyablement arrangée, semblait en piteuse état. Elle avait l'air complètement dénuée d'âme, comme une coquille vide et semblait porter le poids du monde sur ses épaules.

Leur mère avait toujours été plus ou moins mélancolique, mais ce trait était particulièrement évident en cet instant.

Isabella grimaça, se faisant la réflexion que son attitude n'annonçait rien de bon, quant à la raison pour laquelle ils étaient tous réunis dans le grand salon. Elle tourna la tête vers son grand-frère, l'interrogeant du regard, mais celui-ci haussa les épaules, visiblement tout aussi perdu et incrédule qu'elle.

Je me demande pourquoi il nous a fait venir.

Leur géniteur n'était pas tout à fait le genre d'homme qui prenait le temps de parler avec les membres de sa famille et aussi, les deux jeunes gens avaient été particulièrement étonnés d'apprendre qu'il les avaient fait demander.

Isabella soupira, légèrement anxieuse. Leur dernière réunion remontait après tout à un petit moment et celle-ci ne s'était pas bien fini du tout. Cela était donc tout naturellement que la jeune femme se prépara au pire, serrant les dents et les poings en réfléchissant à tout ce qui pourrait avoir provoqué la colère du monstre.

« Maman. » insista Alexander, dont elle vit la frustration.

Cette dernière plissa les lèvres, fuyant le regard de son fils.

« Votre... » tenta-t-elle, mal assurée. « Votre père a quelque chose à vous dire. »

Quelque chose à leur dire ?

Alexander et Isabella s'observèrent, visiblement inquiets à cette idée et c'est à cet instant que la porte s'ouvrit à la volée, sur la silhouette de leur père. En l'entendant, la jeune femme sursauta malgré elle, ce qui lui valut un coup d'œil interrogatif de la part de son frère. Elle fit malgré tout mine de rien et scruta avec attention l'homme faire irruption dans la pièce, dans un accoutrement qui ne lui ressemblait pas du tout.

Leur père, qui passait la plupart de son temps en t-shirt et en jogging, avait revêtu une élégante chemise blanche et un pantalon en toile noir, qu'il ne sortait généralement que lorsqu'il quittait la maison, pour faire bonne impression devant le reste du monde. Il avait coiffé ses cheveux noir et rasé sa barbe naissante. Elle remarqua également qu'il s'était parfumé, ce qu'il ne faisait jamais habituellement.

Plus étonnant et terrifiant encore, il souriait, comme lorsque les frères et sœurs étaient enfants. La vision de ce père si différent de ce qu'Isabella connaissait la remua de l'intérieur, tant elle lui rappela l'homme qu'elle avait jadis connu. Elle eut presque l'impression que ses rêves silencieux, ceux dans lesquelles elle avait une famille aimante, se matérialisaient sous ses yeux.

« Annabelle. » appela-t-il son épouse, avant de se tourner vers eux « Alexander, Isabella. »

Ah... Depuis quand n'avait-il pas prononcé leur nom de cette manière et sans hurler ? En le voyant ainsi, tous auraient presque pu croire que son attitude habituelle n'était qu'un vaste cauchemar, duquel ils venaient enfin de se réveiller.

Elle avait l'impression d'avoir été projetée dix ans en arrière, lorsqu'elle croyait encore être comme les autres enfants. Lorsqu'elle croyait encore que ses parents étaient un couple harmonieux.

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