Memento

Chapitre 42 - Je t'aime

« Argh ! » grogna-t-elle brusquement en attrapant sa gorge.

Elle se retrouva à nouveau dans le manoir, là où elle avait perdue connaissance quelques secondes ou minutes, elle ne savait pas vraiment, auparavant.

Elle tomba au sol, reprenant sa respiration comme si elle avait failli étouffer.

Comme dans son souvenir.

A genou, elle toussa, fermant les yeux pour tenter de reprendre son calme.

[Papa !]

Elle repensa à la scène qu'elle venait juste de voir et plissa les lèvres. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle avait vu cela... Son père... Celui au sujet duquel elle avait espéré se méprendre, n'était finalement bien qu'un ivrogne violent, doublé d'un meurtrier.

Il avait essayé de la tuer.

Mon père a voulu ma mort.

Ce fait secouait son âme, presque autant que la réalisation du fait que sa mère était morte.

Elle griffa le sol avec frustration et chagrin.

Alors c'était cela, la famille qu'elle avait tant cherché à retrouver ? Un père violent et alcoolique et une mère morte par sa faute ? Un frère disparu dans la nature ?

Cela n'était pas exactement l'idée qu'elle se faisait d'une famille. Ce n'était pas tout à fait ce qu'elle avait espéré. Cela ne l'était pas du tout même. Tous ses espoirs étaient en miettes et son cœur aussi. Elle avait naïvement pensé pouvoir être heureuse lorsqu'elle retrouverait ses souvenirs, mais plus elle se rappelait et moins elle était certaine d'avoir encore envie d'en savoir plus.

Tout ce qu'elle avait appris, bien loin de la réjouir, n'avait fait que lui faire comprendre à quel point elle était seule... A quel point sa vie – sa vraie vie – avait été misérable.

Tout ce qu'elle croyait s'était révélé faux.

Absolument tout.

« Aina. »

Elle cru entendre la voix d'Elvan, mais celle-ci lui sembla lointaine, comme dans un rêve.

« Aina ! »

Elle vit une paire de chaussures en cuir noir et remarqua, bien malgré elle, qu'elle ne délirait pas et que l'homme qui lui avait brisé le cœur était bien là, devant elle. Elle voulu relever la tête vers lui, sans y parvenir.

Elle avait le cœur lourd, l'esprit embrumé par le choc et la tristesse, au point qu'elle ne sache plus vraiment si elle délirait ou non. Elle était comme une coquille vide, comme un corps sans âme.

« Maman... » marmonna-t-elle, en revoyant le visage de son père, celui qu'elle savait à présent être le même que le sien.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » l'interrogea Elvan, dont elle vit les mains se poser sur ses épaules pour la secouer. « Parles moi ! »

Elle n'avait que faire de lui, de son inquiétude et de tout cela. Elle était fatiguée, vidée de toute énergie.

« Maman est morte. »

Elle parlait sans articuler, les yeux quelque part dans le vide.

« Quoi... ? »

« Ma mère est morte et mon père – » voulu-t-elle expliquer avant que sa voix se brise sous le coup de l'émotion. « Mon père... »

Elle n'arrivait pas à le dire.

Elle se mordit les lèvres, frustrée par son impuissance.

« Ne dis rien. Tout ira bien. »