Chapitre 4 - Le village

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Du pain, des pommes de terre, du lait et de l'agneau.

Elle glissa le petit morceau de papier blanc dans la poche de sa veste brune, tombant jusqu'à ses genoux. Un panier en osier dans la main gauche, elle se pencha pour attraper son écharpe noire, qui était accrochée sur le porte manteau cloué au mur.

Elle était fin prête à partir. En sa qualité de domestique consciencieuse, elle vérifiera une dernière fois sa tenue, ainsi que la présence du petit sac en toile rouge dans son panier, avant de hocher la tête, comme à elle-même. Alors qu'elle posait la main sur la poignée, elle se ravisa, inspira bruyamment et tourna les talons en fronçant les sourcils, pour trottiner jusqu'au buffet en bois noir qui était installé dans le grand couloir.

J'ai failli oublier le plus important.

Elle avait failli oublier la raison de cette escapade.

Les lettres.

Le tas avait doublé de volume depuis qu'elle avait commencé à se préparer.

Etrange.

Elle n'avait pas souvenir d'avoir vu entrer la moindre personne dans le vestibule, mais ne s'en formalisa pas. Elvan devait avoir ajouté le courrier des autres membres de la famille au sien, lorsqu'elle avait le dos tourné. Elle était légèrement surprise qu'il ne l'ait pas interpellé, étant donné la scène à laquelle il avait assisté quelques minutes plus tôt.

Je ne sais pas pourquoi je suis surprise...

Elvan était après tout un homme discret, qu'elle n'avait que rarement croisé dans le manoir depuis son arrivée. Elle était en permanence dans cet endroit, mais ne l'avait presque jamais entraperçu en près de deux ans. Pendant cette période, tous deux avaient échangé via des lettres laissées dans le grand salon, mais n'avaient presque jamais été face à face. Le manoir n'était pourtant pas si grand...

L'endroit était spacieux et assez vaste pour accueillir plus d'une centaine de personnes, mais pas au point que deux de ses habitants ne parviennent jamais à se croiser.

Aina avait même faillit croire qu'il avait complètement disparu, avant de l'entrapercevoir au coin d'un couloir quelques jours plus tard.

Il est doué pour passer inaperçu.

Aina n'avait jamais su ce qui l'avait occupé tout ce temps, mais elle s'en contenta. Ce n'était pas sa place que d'être curieuse des occupations de son supérieur.

Aussi, attrapa-t-elle les lettres du bout des doigts, avant de les glisser dans sa besace. Cette fois-ci, elle était prête à y aller. Elle s'engouffra donc dehors et frissonna sous l'effet du vent glacial, qui brûlait presque sa peau. Elle souffla sur ses phalanges pour se réchauffer le bout des doigts et renifla. Les hivers étaient particulièrement froids dans ce lieu, car il surplombait la ville comme une montagne. Machinalement, elle tourna les yeux vers le manoir et aperçu une étrange silhouette se détacher de l'obscurité du deuxième étage.

Il y a quelqu'un...

Celle-ci était immobile, juste devant la fenêtre, à tel point que l'on aurait pu la prendre pour une statue. Elle était comme une masse noire, dont Aina ne distinguait aucun des traits. Elle donnait au lieu un aspect semblable à celui d'une maison hantée, mais la jeune gouvernante n'avait pas peur. Elle avait l'habitude de l'apercevoir, chaque fois qu'elle quittait les lieux.

Personne n'occupait le deuxième étage, sauf peut-être mademoiselle, mais elle ne voyait pas bien la raison pour laquelle cette dernière perdrait son temps à la scruter sans rien dire, comme un hibou depuis sa branche dans la nuit.

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