Chapitre 17 - Message

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[Je t'attendrais aussi longtemps qu'il le faudra.]

Aina ouvrit les yeux au son d'une voix lointaine, légèrement étouffée par le son de sa respiration.

Elles sont de plus en plus fréquentes.

Ces voix étrangement familières, mais qu'elle ne parvenait pour autant pas à identifier, qui résonnaient occasionnellement dans son esprit comme des échos se réverbérant contre son crâne. Celles qui la tourmentaient et semblaient s'adresser à elle, même dans son sommeil. Elle n'avait aucune idée de l'identité de ses mystérieux compagnons nocturnes, mais nota tout de même que leurs mots ne laissèrent qu'un profond sentiment de vide, mêlé à la tristesse en elle, à son réveil.

Toute personne normalement constituée aurait probablement paniqué de se savoir sujette à des hallucinations de ce type, mais pas Aina. Elle ne vit en elles qu'un simple dérangement et les trouva même occasionnellement réconfortantes, comme des vieilles amies d'enfance, avec qui elle aurait grandi. Après tant d'années, elles faisaient presque partie d'elle et se surprit à ressentir un sentiment déplaisant à l'idée que ces dernières disparaissent.

Son regard s'arrêta sur la fenêtre de sa chambre donnant sur le jardin, celui dont le jardinier s'occupait avec application et qui pourtant avait toujours l'apparence d'une plaine qui aurait été ravagée par les flammes. Encore aujourd'hui, elle n'aperçut pas le soleil doré qui brillait au-dessus du village et de la capitale. Elle ne vit qu'un croissant cramoisi dans un ciel couleur sable, qui lui donna l'impression que le jour ne s'était pas vraiment levé.

Comme un chat au réveil, elle s'étira en bâillant et scruta l'horloge qui n'avait pas bougé d'un poil depuis son arrivée ici. Vu la position du soleil et sa tendance à avoir un sommeil particulièrement précis et chronométré, elle en déduisit qu'il ne devait pas être plus de huit heures du matin. L'esprit encore embrumé par la fatigue, elle posa les pieds sur le sol et tituba, se frottant les yeux jusqu'au lavabo en marbre blanc qui trônait sur le mur face à son lit.

Elle scruta sans un mot son reflet dans le miroir. Elle avait les cheveux en bataille, les yeux légèrement cernés et la peau pâle. Elle eut un étrange sentiment de déjà-vu à cette pensée... Comme si elle avait déjà vécu ce moment avant, mais pas au sein de ce manoir. Elle se creusa la tête, tentant de faire émerger le moindre souvenir qui confirmerait ou non son sentiment, mais rien ne lui vint, à part un profond sentiment de frustration, qui lui était bien familier.

[Prends ton temps.] se souvint-elle des mots qu'Elvan lui avait dit quelques jours plus tôt et presque simultanément, des évènements de la veille.

Embarrassée par le souvenir de son supérieur si près d'elle et de son cœur battant, elle porta les mains à ses joues en se mordant les lèvres. Elle se sentait encore toute chose rien que d'y penser...

Il fallait qu'elle se reprenne et arrête de se raconter des histoires, car ce qu'elle imaginait ne se produirait jamais. Aussi prévenante et accueillante fusse cette famille, elle n'était pas la sienne. En définitive, Aina était seule. Elle n'avait personne d'autre sur qui compter à part elle-même, et bien qu'Elvan soit ce qui, soit à l'heure actuel le plus proche de ce qu'elle imagina d'un ami, elle réalisa qu'il n'était après tout que son supérieur.

[Je t'attendrais.]

Elle repensa à la voix qu'elle avait entendue quelques minutes plus tôt et se demanda si celle-ci lui était adressée.

M'attendre...

Peut-être avait-elle quelqu'un pour qui elle comptait, après tout ? Une personne qui se préoccupait d'elle, comme Elvan, mais pas simplement par obligation professionnelle. Une personne qui hantait ses pensées et ses nuits depuis déjà plus de trois ans, l'une de celle dont l'existence, même oubliée, demeurait encrée en elle comme une marque à l'encre indélébile.

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