Chapitre 12 - Le vase

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« Maman ? » appela l'enfant, dans le salon.

Le silence lui répondit. Elle tourna la tête dans tous les sens, se mettant sur la pointe des pieds pour scruter le salon par-dessus l'accoudoir du canapé. Elle n'était pas beaucoup plus haute que le meuble et tenait à peine debout sur ses petits pieds engourdis par la fatigue. Elle venait tout juste de se réveiller et avait les yeux gonflés et la bouche encore pâteuse.

Elle n'arrivait à voir ni son frère, ni ses parents dans les parages, au point qu'elle se demanda si elle était seule dans la maison. La pluie battait contre les fenêtres, comblant l'épais silence qui enveloppait la pièce. L'air était lourd et humide, comme si la fin du monde approchait. Elle marchait sur le parquet dans l'obscurité, la silhouette simplement éclairée par la lumière de la lune et les flash des éclairs qui s'abattaient sur le sol.

Elle n'aimait pas l'orage et il lui faisait habituellement peur, mais elle était pour une fois étrangement calme, comme si quelque chose lui disait que ce n'était pas ça dont il fallait qu'elle ait peur. Comme si une chose plus sinistre encore approchait.

« Maman ? » essaya-t-elle à nouveau, sans réponse.

Elle serra son ours en peluche contre son cœur, s'appuyant sur les objets du salon pour conserver le maigre équilibre qu'elle possédait.

Peut-être papa et maman sont-ils dans la cuisine, pensa-t-elle, en tournant la tête vers la porte.

Elle ne voyait pas bien ce qu'ils pourraient faire dans un tel endroit à cette heure de la nuit, mais ce n'était pas la seule chose inhabituelle qu'elle remarquait. Un filet de lumière s'échappait de la porte de la salle de bain, comme si quelqu'un s'y trouvait. Comme retenue par une force invisible, elle hésita à s'approcher.

Elle entendit pourtant une voix étouffée qui semblait venir de là. Etait-ce sa mère, son frère ou son père ? Elle n'en savait rien. Elle n'aimait pas se savoir seule dans la grande maison engloutie par la noirceur, aussi espéra-t-elle voir apparaître sa mère derrière la porte entourée de lumière.

Elle tituba vers la petite pièce en prenant garde de ne pas tomber. Elle avait de courtes jambes potelées et un physique peu athlétique, qui l'entravèrent dans son chemin. Celui-ci lui semblait exténuant et interminable, au point qu'elle hésita plusieurs fois à simplement se laisser tomber sur le sol, en attendant que quelqu'un vienne la trouver. Pourtant, après de longs efforts, elle atteignit enfin son but. Elle était essoufflée et engourdie par la fatigue, mais parvint néanmoins à taper sur le bois du plat de la main, comme pour faire savoir à la personne qui se trouvait dans la salle de bain qu'elle était là.

Les petits bruits ressemblants à des couinements, qui résonnaient de l'autre côté s'arrêtèrent presque aussitôt et un épais silence seulement brisé par le cliquetis de la pluie contre le verre l'enveloppa.

La jeune enfant attendit encore et encore, au point qu'elle se demanda si quelqu'un était vraiment là et puis brusquement, la porte s'ouvrit. La clarté de la lumière du lustre l'aveuglât, au point qu'elle ne vit d'abord qu'un éblouissant halo blanc, au centre duquel se dessina une silhouette grande et large comme celle d'une montagne. Une drôle d'odeur s'échappa de la porte grande ouverte, qui lui sembla inconnue et familière à la fois.

« ...Qu'est-ce que tu fais debout ? » l'interrogea une voix d'homme qu'elle reconnut aussitôt.

« Papa. » souffla-t-elle sans s'en rendre compte.

Ses petits yeux s'accoutumèrent enfin à la lumière après quelques secondes et elle distingua le visage masculin et sérieux de son père, dont la chevelure sombre brillait d'une lueur presque dorée sous la lumière du lustre en verre. Sa voix était un petit peu étrange et lui sembla légèrement plus froide que d'habitude, bien qu'elle ne se pose pas plus de questions que cela.

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