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Ma mère et moi, on a été convié à l’enterrement. Je ne sais pas si ma mère en est capable, mais elle est bien déterminée à y aller. Quant à moi, je ne sais pas si je veux y aller. Est-ce- que mon père aurait voulu que je sois à son enterrement ? J’ai aucune idée de qui je suis réellement pour lui, du jour au lendemain on m’annonce qu’il est mort et que je suis convié à son enterrement alors que je ne sais comment je compte pour lui.
Je suis assis dans ma chambre, silencieux, regardant dans le vide, je joue avec mes mains et je finis par soupirer et je mets ma tête dans mes mains. Mes pensées ne veulent pas se taire, et elles résonnent de plus en plus fort. C’est atroce, je peux pas les faire taire.
Mon père ne voudrait même pas me voir là-bas. Il est parti à cause de moi. Je serai jamais le fils qu’il aurait voulu avoir. C’est de ma faute s' il est parti et que maman est devenu comme ça. C’est de ma faute si elle ne se soucie pas de moi. Tout est de ma faute. Parce que je ne fais que des choses idiotes.
Idiot, idiot, idiot, idiot, idiot, idiot.
Tous les malheurs qui m'arrivent je les mérite parce que de tout manière c’est de ma faute.
Je sens ma gorge se nouer et les larmes montent. Je me suis mis à frapper mon crâne comme-ci ça va changer quelque chose. Comme-ci ça va les faire taire. Mais ça ne change rien, ça devient de plus en plus insupportable. Alors je me lève et me mis à marcher dans ma chambre en regardant mes pieds.

-   Aller Simon, calme toi.

J’essaye de prendre une grosse bouffée d’air en continuant de marcher dans ma chambre, je pose une de mes mains sur ma poitrine en espérant que ça m’aide. Je croise mon regard dans mon miroir et je m'arrête et me regarde droit dans les yeux. J'étais dans un sale état ces derniers jours.
Je fais peine à voir. Comment on peut  m'aimer ? Il faut juste me voir physiquement pour fuir.
Je passe doucement mes doigts sur ma mâchoire, et sur tous les endroits qui donnent à mon visage un côté féminin. Rien que me regarder dans le miroir me donne envie de vomir. Je me tourne sur le côté, ce torse qui n'était pas totalement plat à cause du binder que je portais. Les larmes se mirent à couler sur mon visage. Je soupire, c’est pendant ces moments -là que je me sens si seul malgré que je sois entouré.
Je m’assois sur mon lit et prends mon oreiller pour mettre ma tête dedans et crier dans celui-ci. Je n’ai pas dû être discret car quelques minutes après ma mère débarque dans ma chambre.

-   Alyssia ?

-   Simon !

-   Qu’est-ce qu’il y a ?

-   Rien.

-   Alyssia.

-   Simon ! C’est pas possible, tu m’écoutes ?

-   Arrête avec tes caprices, t’as 16 ans !

-   Ah parce que tu crois que c’est des caprices ? Tu penses que c’est de caprices vouloir gerber en te regardant dans un miroir ? Pleurer parce que j’ai des traits trop féminins, pleurer parce que ma propre mère ne respecte pas mon pronom et mon prénom. Avoir la boule au ventre pour aller en cours parce que j’ai peur que le harcèlement recommence parce que je suis moi-même. Ça c’est des caprices ? Je crois pas, c’est pas des caprices. Simon c’est qui je suis et j’ai toujours été. Et ce que tu comprends pas, c’est quand tu continues à m’appeler par ce prénom ça me met de plus en plus dans le mal-être que j’ai déjà depuis bien longtemps.

Je sais pas ce qui c’était passé, je sais même pas pourquoi j’ai sorti ça tout d’un coup mais il faut que ça sorte. Et ça m’a fait un bien fou de dire ce que j’ai sur le cœur. Je lève la tête pour regarder ma mère, elle a la bouche légèrement ouverte mais elle ne dit rien. Je l’ai sûrement étonnée de lui balancer ça comme ça, moi qui parle peu de moi, qui parle peu à sa mère. Pour le coup, je lui ai dit les quatre vérités. Je me lève de mon lit, et je sens son regard sur moi alors je me tourne vers elle.

-          Quoi ?

-          Tu…

-          Je quoi ?

-          Tu n’es pas...

-          Je suis pas quoi ? 

-          Normal. C’est contre nature tout ce que tu dis.

-          T’as encore cette mentalité sérieusement ?

-          Tu peux pas changer de genre, j’ai accouché d’une fille, tu resteras une fille et c’est tout.

-          N’importe quoi, tu devrais avoir honte.

-          C’est toi qui me fais honte.

Je soupire et secoue de la tête malgré ce que je lui avais dit elle se remet pas en question. C’est désespérant, rien que me dire qu’elle n’est pas la seule à penser ça, ça me désespère mais aussi me fait penser que je n’aurais jamais ma place dans la société. Ma mère sort de ma chambre en secouant la tête. A ce point-là, on aurait dit que je lui ai annoncé que j’ai raté ma vie. C’est vrai que pour elle je l’ai raté et que j’ai gâché sa vie. Je soupire et je regarde mes mains, tout s'est arrêté quand j’ai tout balancé à ma mère. Sa réaction me fait du mal mais de tout lui avoir dit me soulager d’un petit poids dans ma poitrine. Un jour tout le monde respectera ma transidendité.
Et cela est une promesse que je me fais pour moi-même, pour mon bien être. Je m'assois et je prends mon téléphone pour dire aux autres que je ne serai pas là le lendemain. Ils me demandent pourquoi et je leur explique la situation. Léo a l’air inquiet pour moi mais je le rassure.
Papa, me voilà, tu verras ton fils.

La noirceur auprès de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant