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Ne pas s'énerver ! Garder les yeux ouverts ! Ne pas s'énerver ! Garder les yeux ouverts ! Ne pas s'énerver ! Garder les yeux ouverts ! Comme si te répéter ça allait t'aider Calliope. Si tu es fatiguée, tu es fatiguée, point. Lutter ne sert à rien, au contraire. Les seules choses que tu puisses faire, c'est : empêcher ta tête de tomber dans ton assiette de purée ; prier pour que le repas se termine vite, pour que tu puisses aller faire une sieste dans le canapé ; et surtout, espérer que personne n'aborde un sujet sensible.

La tête appuyée sur ma main, je regarde Tristan assis en face de moi et écoute vaguement les conversations que mes grands-parents ont avec ma tante et mes parents. Le sujet de la voiture a été abordé d'entrée de jeu et mon cousin a gentiment accepté de réparer les dégâts, sans laisser paraitre qu'il savait déjà tout. Après, bien sûr, mon frère, mon cousin et moi avons eu le droit à une critique, de la part de ma grand-mère, sur nos airs de déterrés. Mais, je dois avouer que ça m'a soulagée que, pour une fois, je ne sois pas la seule à essuyer une réflexion.

Ma grand-mère paternelle est le genre de femme à en demander trop à tout le monde. Il faudrait que l'on soit toujours les meilleurs dans tous les domaines. Ma tante a hérité de ce trait de caractère et c'est sûrement pour ça que Tristan a fini par devenir une teigne. Il a simplement voulu faire l'inverse de ce que sa mère lui demandait. Je suppose aussi que c'est pour cette raison que son mari a voulu le divorce. Tout le monde ne peut pas avoir la chance de tomber sur quelqu'un comme Pépé. Il est si courageux de supporter Mémé depuis si longtemps.

-Et tes partiels Calliope, comment ça se passe ?

Le voilà le sujet sensible que je voulais éviter...

Tristan me regarde l'air compatissant et je me tourne vers ma grand-mère, assise à l'autre bout de la table. Elle a une allure impériale, comme toujours. Ses cheveux mi-longs sont fraichement teints en blond cendré. Ses yeux marrons ont un joli trait d'eye-liner noir. Et sa robe pull beige tombe impeccablement sur son corps frêle. Si l'on ne sait pas qu'elle approche des soixante-dix ans, cela ne se voit pas.

-J'avais mon dernier lundi, maintenant, j'attends les résultats.

-Et tu penses que ça s'est bien passé ?

Je hausse les épaules en jetant un petit coup d'œil à Maman qui me sourit. Il vaut mieux que j'évite de lui dire que ça a été un vrai fiasco.

-Tu sais, à la Fac, on ne peut jamais vraiment savoir à l'avance.

-Tu as toujours été une très bonne élève.

Je lui souris légèrement avant de reporter mon attention sur mon assiette.

Elle a le chic pour sortir ce type de phrase. On croirait à première vue que c'est un compliment, mais en réalité, il est sous-entendu : tu n'as pas intérêt à rater ton semestre. C'est une façon plus délicate de mettre la pression. Je devrais sûrement lui dire que ça ne marche pas.

-Et toi Noé, comment se passent les cours ?

-ça se passe.

Du coin de l'œil, je vois que mon frère, assis à côté de moi, ne regarde même pas Mémé quand il lui parle. Du coup, je lui donne un petit coup de pied sous la table, lorsque ses yeux se posent sur moi, je lui fais un signe de tête vers ma droite. Il souffle, mais finit quand même par regarder notre grand-mère. Voir cette dernière énervée est la dernière chose dont j'ai envie.

-Les profs sont des idiots, j'ai encore été collé.

J'écarquille les yeux, avant de me retourner brusquement vers ma grand-mère, qui hausse les sourcils, puis pivote vers mes parents les lèvres pincées. Pourquoi mon frère a été dire ça ?

Ascendant. ~ [Publié chez Nisha Et Caetera]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant