Ascendant. ~ [Publié chez Nisha Et Caetera]

[19]

Je déteste quand Maman me toise. Encore plus quand elle me toise et que je sais que je suis coupable. Ça me donne la gorge sèche et les mains moites. En plus, comme ça me met la pression, je finis par ne plus réfléchir correctement. Mon cerveau devient un gros fouillis. C'est pour ça que là, je ne comprends pas du tout pourquoi Maman est debout devant le Picasso, l'air mauvais. Et je ne comprends pas non plus comment cela se fait que Kevin soit à ses côtés, un sourire hypocrite collé aux lèvres. Serait-ce à propos de l'accident de Noé ? Kevin ne nous aurait tout de même pas dénoncés ? Il n'en serait pas capable ?

Les bras croisés sur la poitrine, Maman secoue négativement la tête, l'air déçue. Complètement paniquée, je la regarde, puis porte mon attention sur Kevin, qui me fait un clin d'œil. Maman fait alors un pas en avant et ouvre la bouche pour parler, mais elle est interrompue par mon portable qui se met à sonner. Frénétiquement, je tape sur toutes mes poches pour savoir où il est, mais ne le trouve nulle part. Je relève alors la tête vers Maman, dont le regard est de plus en plus noir. Je ne sais où, mon portable continue à sonner.

-Pé, éteins ce putain de truc !

La voix endormie de Tristan me fait revenir à la réalité et mes yeux papillonnent. Perdue, je regarde tout autour de moi. Kevin et Maman ne sont pas là. Seuls Tristan, Noé et moi sommes dans le salon de Mémé, allongés les uns sur les autres dans le vieux canapé en cuir marron. Ce n'était qu'un rêve. Cette histoire de voiture et de Kevin me perturbe vraiment...

Le corps encore tout engourdi, j'attrape mon téléphone, posé sur la table d'appoint derrière moi. Ce qui fait ronchonner mon frère, dont la tête est posée sur mon ventre. Je me frotte les yeux pour chasser le sommeil, puis regarde l'Iphone pour savoir qui a l'intelligence de me déranger, pendant ma sieste.

Je manque échapper mon portable quand je vois « Kevin » écrit sur l'écran. Brusquement, je pousse la tête de Noé et me lève du canapé. Les deux garçons se mettent à vociférer dans mon dos, mais je ne leur prête pas attention et fonce dans la cuisine. Après avoir claqué la porte, je reporte mon attention sur mon écran, où son prénom est toujours écrit. Mes mains se sont mises à trembler et mon cœur bat la chamade. Est-ce que je dois répondre ? Est-ce que je dois lui cracher toute ma colère au visage ? Est-ce que je serais seulement capable de lui parler sans finir par retomber dans le panneau ?

Alors que je prends une grande inspiration et que je m'apprête à répondre, le prénom de Kevin disparait et l'écran m'indique simplement que j'ai un appel en absence. Je l'ai loupé. Je me mets alors à faire les cent pas dans la cuisine, en réfléchissant à ce que je dois faire. L'envie de le rappeler me démange, mais je me dis que le destin a peut-être fait que je loupe son appel. C'est d'ailleurs sûrement mieux de ne pas le rappeler, pour lui montrer que je ne suis pas à sa disposition. Malheureusement, ma curiosité n'arrête pas de me crier de lui téléphoner ; qu'il a sûrement quelque chose d'important à me dire ; qu'il veut peut-être s'excuser pour tout ; et que si ce n'est pas le cas, je pourrais toujours l'insulter en direct. Ma curiosité est bien idiote quand même. Je devrais appeler les filles pour avoir leur avis, en plus, on doit se raconter nos soirées. Ça sera l'occasion.

Les mains toujours un peu tremblantes, je cherche Capucine dans mes contacts et l'appelle, en espérant qu'elle soit toujours avec Ely. Pendant que la tonalité sonne, je laisse courir mes yeux sur le carrelage en mosaïque marron et vert, qui s'étend sur les murs de la cuisine. J'ai toujours trouvé cette cuisine de mauvais goût et elle mériterait d'être modernisée, mais en même temps, j'ai du mal à voir Mémé dans un univers autre que celui-ci. Ce côté classique et vieillot, c'est totalement elle.

-Holà guapa !

La voix enjouée de Capu à l'autre bout du fil me fait sursauter.

-Salut ...