Chapitre 28

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Où était la droite ? À quel endroit se situait la gauche ? Où trouvait-on le haut ? Où voyait-on le bas ? Était-ce possible de percevoir le centre ? Pouvait-on poser nos pieds et reprendre notre souffle ? Simplement sortir de ce cauchemar ? Était-il possible de se trouver dans un rêve ?

Le Néant, cette chose qui ne contenait rien ni personne, simplement du vide. Il ne pouvait être rempli, cela demeurait impossible. Pas de fond, pas de sol, pas de mur, pas de vie, pas d'objet... Absolument rien. Uniquement un espace infini où on ne décelait pas une seule particule, ressemblant à un énorme trou, sans fin, capable de nous engouffrer à tout moment. Alors, on tombait au plus bas, sans jamais parvenir à toucher un fond car celui-ci n'existait pas en ce monde. Ce gouffre nous emportait au plus profond de ses entrailles, nous aspirant sans douceur dans une chute interminable. Il était impossible d'en ressortir, de s'accrocher à un point pour se maintenir droit et se laisser cette descente en suspens. Non.

Il nous rendait vulnérable, à tel point que notre corps se fatiguait, épris d'une envie de se perdre dans les abysses de ce mal. Nous sommes pris de vertiges et tout s'écroule. Un sol bougeant sous nos yeux avant qu'on ne perçoive uniquement l'obscurité. On étouffe dans cette impression de noyade dans les ténèbres sans que la clarté ne puisse tout démentir et ainsi sauver notre âme, désormais errante dans cet amas d'émotions.

"Perdre pied...", signifiait ne plus avoir un seul repère, ni une seule once de lumière devant soi. Un ressenti d'anéantissement que l'on n'arrivait pas à réprimer, ni contrôler. Seul le temps permettait de revenir sur Terre, dans la mesure du possible.

Belle vivait cela, elle ressentait une deuxième fois cet énorme trou dans le cœur. Il se faisait poignarder pour la énième fois. Pour changer de cette brûlure constante, une lame se joignait à la danse, ressortant et entrant en permanence dans son abdomen. Les derniers morceaux de son organe vital se broyaient dans une véhémence profonde, peu à peu dispersés à mesure où la douleur se répandait dans son corps, laissant une traînée de frissons sur son passage. La tristesse l'envahit en même temps que des tremblements de plus en plus violents.

Entendre de telles choses à la télévision venait de fendre son âme en deux. Déjà bien amochée par son séjour en Australie, la jeune femme n'aurait pas un jour pensé pouvoir tomber plus bas. La vie arrivait toujours à frapper là où la souffrance ulcérait considérablement son esprit meurtri par ses maux d'antan. À force de prendre des coups, Belle ne surmontera bientôt plus le poids de ce monde. Tôt ou tard, ses épaules céderaient et les événements de cette journée n'arrangeaient pas sa situation. Si son ange gardien lui était enlevé, elle ne saurait plus se relever.

Pas une quatrième fois.

Elle perdit l'équilibre, tombant lourdement au sol. Ses mains claquèrent sur celui-ci. Elle hurlait son émoi, vociférant si fort que tout l'immeuble entendait ses cris de détresse. Plus rien n'existait pour elle à ce moment précis. Belle venait de perdre une part d'elle-même. Elle venait à peine de le retrouver et voilà qu'ils se séparaient à nouveau, sans même avoir eu l'occasion de profiter l'un de l'autre. Sans même avoir pris le temps de lui confier toute sa vie, tout ce qui composait son quotidien en Australie, qui en faisait partie.

Un jour, elle aurait voulu réussir à lui livrer tout ce qui la contraignait à garder une distance avec lui. Lui exposer les raisons de son refus de continuer leur relation même si elle en mourrait d'envie. Dire qu'elle ne rêvait pas secrètement de se marier avec lui, en plus d'avoir des enfants - leurs enfants - serait un véritable mensonge. Elle s'en voulait d'être partie avec Léandre.

Peut-être aurait-elle pu le sauver et ainsi éviter une telle catastrophe...

Toutes les personnes présentes dans la pièce focalisèrent leur attention sur elle. Tous avaient les larmes aux yeux. Leur peine fut accentuée par l'image de cette femme en pleurs, genoux contre le sol. Paola avança lentement vers Belle dans l'unique but de la réconforter, mais deux bras l'en empêchaient. Elle reconnut immédiatement le parfum de son mari, qui semblait étrangement calme.

Death Lover : Retrouvailles (Russkaya Kukla Triloya - Partie 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant