Chapitre 6 : Un grain de folie

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La nuit est courte et agitée, mon sommeil perturbé par les pensées qui envahissent mon esprit. Le sombre couloir est ma couche improvisée, mais même ce divan étroit ne m'offre pas le répit dont j'ai désespérément besoin. Alors que les premières lueurs de l'aube se glissent timidement à travers les fenêtres, je me lève avec un soupir, résignée à affronter une nouvelle journée.

Je descends silencieusement les escaliers et me dirige vers la cuisine. Les murs semblent me rappeler ma situation, et chaque coin de la maison semble imprégné d'une étrangeté pesante. Je prends un bol et verse des céréales, le bruit des grains croquant dans le silence du matin. Une fois mon petit-déjeuner préparé, je m'assois devant la télévision, cherchant un moyen de tuer le temps.

La télévision est ma seule compagne, un lien fragile entre cet endroit et le reste du monde. Je laisse les émissions défiler devant mes yeux, sans vraiment les regarder, mon esprit errant ailleurs. Les heures passent, monotones, et je me demande si cette nouvelle réalité qui se dessine autour de moi vaut vraiment tous les compromis que je suis prête à faire pour m'intégrer.

L'après-midi avance et la maisonnée commence à s'éveiller. Je me retrouve à partager l'espace avec les enfants turbulents et ma belle-mère qui semble occupée par ses propres préoccupations. Les rires et les chamailleries résonnent dans la maison, créant un contraste saisissant avec le calme relatif que j'ai connu ces dernières heures.

Je m'approche de Zafira, cherchant à percer le mystère de l'absence de mon père.

"Zafira, où est mon père? "

Elle tourne son attention vers moi, ses yeux noirs brillant d'un éclat insaisissable.

"Il dort encore. Il a travaillé toute la semaine, il est épuisé."

Mon père a sûrement ses propres raisons d'être fatigué, mais cela ne change rien à l'amertume qui m'envahit. Je suis venue jusqu'ici, sacrifiant mon propre confort, dans l'espoir de renouer des liens, de trouver un semblant de connexion avec lui. Et pourtant, il semble que même ma présence ne puisse pas le sortir de sa torpeur.

Mon regard se pose sur les enfants qui jouent bruyamment autour de moi, leur insouciance me rappelant l'âge que j'ai, mais aussi la distance qui semble désormais me séparer de mon propre père. La tristesse me gagne, mêlée à une pointe de colère et de frustration.

Je remercie Zafira pour l'information d'un signe de tête et m'éloigne lentement, cherchant un coin tranquille où je pourrais laisser mes émotions se déverser en toute discrétion. La réalité de la situation m'apparaît de plus en plus clairement : il ne s'agit pas seulement de compromis, mais d'une profonde remise en question de ce que je suis prête à accepter pour trouver ma place dans cette nouvelle dynamique familiale.

Mon esprit divague entre souvenirs et réflexions, cherchant désespérément à donner un sens à tout cela. Les compromis que je dois faire semblent peser de plus en plus lourd, et je me demande si le prix à payer pour intégrer cette nouvelle dynamique familiale est trop élevé.

J'entends des pas lents et lourds sur les marches de l'escalier. Mon père descend enfin, les traits tirés et fatigués. Une pointe d'agacement traverse mon être à la vue de son air négligé, mais je choisis de laisser de côté mon jugement.

"Inaya, je suis désolé, tu sais. Je suis épuisé..."

J'écoute son discours familier, mélange de plaintes et de lamentations qui semblent toujours occuper une place centrale dans ses interactions. Les paroles glissent sur moi sans vraiment trouver d'écho, car je sais que j'ai entendu ces mots maintes fois auparavant.

"Je comprends, papa. Mais j'espérais que tu trouverais un moment pour passer du temps ensemble." 

Il baisse les yeux, semblant absorbé par ses propres pensées.

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