Chapitre 1 : Les reflets du passé

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Les ruelles pavées de Chantilly s'étirent devant moi, baignées par les rayons chaleureux du soleil. C'est ici, dans cette cité équestre empreinte de noblesse, que je trace le chemin de mon existence d'étudiante. Au cœur de cette scène pittoresque, une mélodie de mélancolie persiste, douce mais implacable, qui résonne en harmonie avec les murmures du vent. Ma vie s'étend entre deux mondes, deux foyers qui ont trouvé leur propre danse dans cette réalité recomposée. Il y a Suzanne, ma mère, et Fernand, le nouveau gardien de ses sourires. Leur amour inébranlable mais différent, a donné naissance à Lucie, ma demi-sœur de neuf ans, et à Alexandre, mon demi-frère de six ans. La séparation de mes parents a tissé une toile complexe où chaque fil raconte son histoire, chaque sourire cache une part d'ombre.

La différence abyssale de huit années entre Lucie et moi crée une distance émotionnelle, une fissure discrète mais profonde. Ma mère a choisi de prendre le nom de son mari, « Froment » comme une nouvelle page tournée dans son histoire. Dans ce tourbillon de nouvelles relations, je me sens parfois en décalage, une étrangère qui peine à trouver sa place dans cette valse familiale. Pourtant, ce n'est qu'une facette de l'équation complexe qui habite mon être. Je suis la gardienne d'une dualité profonde, l'héritage de deux mondes qui se rencontrent en moi. Mon père biologique, Malik Ouali, suit les enseignements de l'Islam, tandis que ma mère et son compagnon sont ancrés dans une réalité chrétienne. Deux cultures, deux croyances, deux façons d'aimer et de croire qui parfois s'entrelacent harmonieusement, mais d'autres fois se heurtent dans un écho silencieux.
Et alors, un sentiment de plus vient renforcer ce sentiment d'écart. Le nom que je porte, « Ouali », est un lien inaltérable avec mon père, une preuve tangible de notre connexion. Cette distinction, ce nom de famille qui me différencie de ma mère et de son mari, renforce parfois le sentiment de flotter entre deux univers, que je suis comme une inconnue adoptée par la famille des Froment. Une énigme supplémentaire dans la mosaïque complexe de mon identité.

Je me promène dans les rues pittoresques de chantilly où mes pas m'entraînent à travers un décor digne d'un tableau vivant. Les ruelles pavées s'étirent devant moi, bordées de charmantes maisons aux façades d'époque, chacune racontant son propre récit. La lumière douce du matin caresse les toits en tuiles, révélant des nuances d'or et d'ambre qui donnent à tout un air de conte de fées. Le château majestueux se dresse, un joyau architectural qui témoigne des fastes de l'histoire. Les jardins élaborés par le célèbre André Le Nôtre s'étendent en une symphonie de couleurs et de formes, un paradis de verdure sculptée où la nature et l'art se mêlent en une danse harmonieuse. Les parterres de fleurs rivalisent avec les fontaines dans un spectacle visuel qui semble tout droit sorti d'un rêve éveillé. Les écuries, solides et imposantes, sont un témoignage vivant de la passion de Chantilly pour les chevaux. Ils semblent déborder d'énergie et d'élégance, leurs crinières flottant dans l'air alors qu'ils s'entraînent sur l'hippodrome voisin. Les bruits étouffés des sabots martelant le sol résonnent en harmonie avec le brouillard matinal qui enveloppe tout, créant une atmosphère presque mythique.
Mes yeux s'arrêtent sur un bâtiment. Un cabinet de psychologie. L'idée de franchir cette porte me saisit d'un sentiment d'oppression, comme si les murs eux-mêmes serrent leur étreinte autour de moi. Les psychologues, ces gardiens de l'esprit humain, me semblent être des geôliers ayant la possibilité d'enfermer mes pensées et mes émotions dans un box étroit, me privant de l'immensité de mon monde intérieur. Je m'imagine comme l'un de ces chevaux majestueux que j'admire souvent à l'hippodrome de Chantilly. Des créatures indomptables, avides de liberté, galopant avec grâce contre le vent. Je ressens une connexion profonde avec leur esprit sauvage, une empathie pour leur désir de vastes étendues vertes où exprimer leur nature innée. L'idée d'être enfermée dans un espace blanc étriqué, de livrer mes pensées les plus profondes à un étranger, me fait frissonner d'appréhension. Les chevaux cloîtrés dans leurs écuries n'ont guère d'autre choix que de se plier à une existence restreinte, leurs mouvements confinés à de simples pas mesurés. De la même manière, je redoute que la psychologie ne me fragmente en pièces détachées, un puzzle complexe dont les éléments seraient agencés selon les règles d'autrui.

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