La réalité de la prépa me rattrape rapidement. L'examen oral de biologie approche à grands pas, et je peux sentir la tension s'accumuler dans l'air. J'ai révisé pendant des heures, passant en revue les concepts les plus complexes, m'efforçant de les maîtriser au mieux. Mais malgré mes efforts, une anxiété persistante gronde dans le creux de mon estomac.
Le jour de l'examen, je me rends au troisième étage du lycée, où la salle est située. J'attends dans un couloir étroit avec mes deux autres camarades, partageant des regards nerveux et silencieux. Le groupe précédent sort de la salle, les visages tendus. Les deux premiers baissent les yeux, l'expression de défaite inscrite sur leur visage. La dernière, elle, pleure doucement dans un coin, sa détresse palpable.
Lorsque c'est enfin mon tour, je ressens un coup de stress à mesure que j'entre dans la salle. Le professeur m'accueille d'un regard scrutateur, et je m'installe devant lui, essayant de cacher mon appréhension.
"Mademoiselle, votre sujet est l'absorption des nutriments chez la vache. Vous avez 20 minutes pour préparer votre dissertation à l'oral, appuyée par un schéma récapitulatif au tableau. Je vais sortir de la salle pendant ce temps," dit-il d'une voix sérieuse.
Je hoche la tête, essayant de ne pas montrer à quel point je suis nerveuse. Le professeur sort de la salle, me laissant seule avec mon sujet et mes pensées. Je regarde le tableau, un espace vierge qui attend d'être rempli de mes idées.
Je prends une grande inspiration et commence à organiser mes pensées. Le temps me semble à la fois précieux et élastique, s'étirant à l'infini tout en se précipitant rapidement. Je réfléchis à la structure de ma dissertation, choisissant les points clés que je veux aborder. Puis, je commence à dessiner un schéma pour visualiser mes arguments.
Il revient dans la salle, je suis surprise de constater à quel point le temps a filé rapidement. J'arrête d'écrire et me prépare mentalement pour la prochaine étape. Le professeur s'assied en face de moi et prend mon schéma en main.
"Très bien, mademoiselle, vous pouvez commencer votre oral," dit-il d'un ton calme.
Je prends une profonde inspiration et commence à expliquer mon sujet avec assurance. Les mots sortent de ma bouche alors que je relaie les informations que j'ai préparées. J'utilise le schéma au tableau pour appuyer mes arguments, expliquant les étapes du cycle de Krebs avec clarté.
J'ai terminé. Il prend quelques instants pour noter mes réponses. Mon cœur bat la chamade, et j'attends avec impatience sa réaction. Enfin, il relève les yeux et me regarde avec un léger sourire.
"Vous avez obtenu un 14 sur 20. Votre présentation était solide et vous avez bien structuré vos arguments," déclare-t-il.
Mon cœur bondit de joie à ces mots. Un poids invisible se lève de mes épaules, et je me sens submergée par un mélange de soulagement et de fierté. J'ai réussi mon premier examen oral en prépa, et cela me donne l'élan nécessaire pour continuer à affronter les défis à venir.
Bon. Encore deux examens oraux par semaines en plus d'un examen écrit de 4h tous les samedi matin...pendant 2 ans...
En sortant de la salle, je me sens légère comme une plume. Je ne peux m'empêcher de sourire en repensant à ma mère, à la manière dont elle serait fière de moi. Dès que je rentre chez moi, je saisis mon téléphone et compose son numéro. Elle décroche après quelques sonneries, et sa voix chaleureuse remplit mes oreilles.
"Alors, comment ça s'est passé ?" demanda-t-elle avec enthousiasme.
"Ça s'est super bien passé, maman ! J'ai obtenu un 14 sur 20 pour mon oral. Je suis tellement contente !" m'exclamai-je, le sourire aux lèvres.
Je peux presque sentir la fierté de ma mère à travers le téléphone. Elle m'encourage et me félicite, et cette conversation est exactement ce dont j'ai besoin pour me sentir soutenue.
Les jours qui suivent sont remplis de travail acharné et de détermination. Malgré ma persévérance, il y a un obstacle qui semble insurmontable : les cours de mathématiques. Les concepts semblent glisser hors de ma compréhension, me laissant frustrée.
Un jour, alors que je m'installe dans la salle de classe pour le cours de mathématiques, je remarque un petit groupe de filles animées, engagées dans une conversation animée. Leur voix résonne dans la salle, attirant mon attention. Elles semblent discuter des élections présidentielles, demandant aux autres élèves pour qui ils ont voté.
La curiosité pique mon intérêt, et j'écoute discrètement leurs échanges. Les noms de divers candidats fusent : Mélanchon, Macron, Le Pen, et d'autres encore. Je me sens un peu en marge de ces discussions, n'ayant pas eu l'occasion de participer aux élections, étant concentrée sur mes études.
Les filles s'approchent de moi. Tout change. Pour la première fois, elles me prêtent attention, me demandant pour qui j'ai voté. Mes pensées se bousculent alors que je cherche les mots justes. Pour des raisons personnelles liées à mon passé et à ma quête de sécurité, j'ai voté pour Zemmour.
Les filles échangent des regards perplexes, puis leurs visages se durcissent. Un silence tendu s'installe, et je sens que quelque chose ne va pas. Les mots qu'elles prononcent ensuite sont cinglants et douloureux. Elles me qualifient de raciste, jetant des accusations qui me touchent profondément.
Stupéfaite et blessée, je tente de m'expliquer, de partager mes raisons personnelles, mais mes paroles semblent se perdre dans la tempête d'émotions. Elles me tournent le dos avec mépris, poursuivant leur conversation comme si je ne suis plus qu'une ombre.
"Je ne comprends pas, j'ai voté en fonction de mes convictions personnelles, cela n'a rien à voir avec des idées racistes", balbutie-je, cherchant à clarifier la situation.
"Franchement, tu devrais te renseigner avant de prendre de telles décisions", rétorque l'une des filles, l'air dédaigneux.
Cette confrontation laisse un goût amer dans ma bouche. Je me retrouve dans une situation où mes choix politiques ont été mal interprétés, où des préjugés ont été rapidement jetés sur moi. Je me sens incomprise, jugée, et la frustration monte en moi.
Le cours de mathématiques reprend, mais mon esprit est ailleurs. Les concepts compliqués semblent encore plus inaccessibles, noyés dans une mer d'émotions tumultueuses. La journée se déroule dans un brouillard, et en rentrant chez moi, je me retrouve à réfléchir sur cette expérience qui a ébranlé ma confiance.
Depuis cet événement, je sens les regards des autres élèves posés sur moi, comme des projecteurs scrutant mes moindres gestes. Je perçois les chuchotements et les expressions scandalisées dans les coins de la salle. Les filles qui ont entendu notre conversation doivent sûrement faire des récits déformés de ce qui s'est passé.
Les moqueries et les jugements semblent se faufiler partout, me faisant me sentir comme un étranger dans mon propre environnement. Je me demande si les autres me voient maintenant comme celle qui a fait un choix controversé. Et même si j'ai agi en fonction de mes propres convictions, cette situation a créé un fossé invisible entre moi et mes camarades.
Une lueur d'espoir apparaît lorsque Mariana vient à ma rencontre. Elle a entendu parler de ce qui s'est passé et a choisi de ne pas me juger hâtivement. Elle m'adresse un sourire chaleureux, signe que notre amitié a survécu à cet obstacle.
"Tu sais, Inaya, je viens du Portugal, et je sais ce que c'est que d'être jugée à cause de sa nationalité ou de ses choix politiques", me dit-elle doucement. "Je comprends que ton vote ne te définit pas comme raciste."
Ses paroles sont un baume apaisant pour mon cœur blessé. Elle a compris que les choses sont bien plus nuancées que ce que les autres élèves ont pu penser. Sa propre expérience d'immigrée lui a appris à ne pas sauter aux conclusions hâtives.
Et en cet instant, je réalise à quel point j'ai de la chance d'avoir une amie aussi compréhensive. Elle est une véritable source de soutien dans cet environnement complexe. Elle a su voir au-delà des apparences et des rumeurs, et c'est une leçon que je n'oublierai jamais.
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Paraître sans faiblir
Fiksi RemajaAu cœur des tourments de l'âme d'Inaya, une mélodie de dualité se joue, tissant les fils de sa vie en une toile complexe de croyances opposées et d'amours contrariés. A dix-sept ans, elle navigue dans un monde de contradictions, portant les poids si...