Chapitre 3 Luna

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Village de Puerto Nariño, deux jours plus tard, 11 heures.

Mon père est parti depuis deux jours. D'après les dernières paroles que j'ai entendues, il avait un voyage de quinze heures à effectuer, vu qu'il a dit à son correspondant qu'il serait là à vingt heures. Il a donc pris l'avion de tourisme, l'écoflyer pour se rendre au Port de Santos. C'est de ce port qu'arrive et repart sa marchandise, enfin devrais-je dire, devait partir, car j'ai cru comprendre qu'il se l'était fait voler. C'est la deuxième fois que cela arrive. La première fois, le cartel a tué l'équipage censé la transporter et ce, pour avoir échoué. Trois des employés de mon père l'ont payé de leur vie. S'il l'a encore perdu, je ne sais pas ce qu'a prévu de faire El Greco à son transporteur, mais s'il pouvait lui tirer une balle dans la tête, bon débarras !

De tout façon, il ne m'a jamais aimé. Il voulait un garçon pour lui succéder, pas une pisseuse. Tant que ma mère était en vie, elle faisait barrage entre lui et moi, il ne l'aurait jamais frappé car il savait qu'elle l'aurait tué pendant son sommeil. Autant elle pouvait être douce à mon égard, autant elle pouvait être dure avec mon père. Je crois que servir de mule pendant des années, alors que ce dernier avait le derrière posait tranquillement sur une chaise, attendant que la monnaie lui tombe dans la main, a dégouté ma mère des hommes. Elle qui croyait au grand amour, s'est aperçue que derrière une tête d'ange se cachait le démon. Une fois que mon père l'a pris dans ses filets en la mettant enceinte, il ne l'a plus jamais lâché. Si jamais elle voulait s'enfuir, il jurait de la retrouver et de me tuer pour la punir. Au vu des moyens qu'il avait, ma mère n'a jamais rien tenté, cela lui a couté la vie et moi, je ne fais que survivre.

Mais au cas où mon vœu ne serait pas exaucé sur sa mort, j'ai briqué la maison de fond en comble puis préparé le repas que je conserve au frigo. Il ne pourra pas dire qu'il n'a rien à manger. Surtout, s'il n'a pas récupéré sa marchandise, il va être d'une humeur de chien.

Je suis dehors en train de gratter dans le potager quand j'entends des voix, je reconnais sans difficulté celle de mon père, mais pas la voix de celui qui lui répond. Je me relève de ma rangée de tomates et ce que je vois me glace les sangs. El Greco, le patron en personne, accompagné de son pourri de fils ! Je ne les ai vus qu'une fois, ils étaient venus après la mort de ma mère, leur principale gagne-pain. Ils avaient aidé mon père à créer sa société de transport de bœufs brésilien pour pouvoir y cacher leur poudre à l'intérieur. La seule condition fut qu'à la moindre descente des autorités, ce soit le fusible. Ce qu'il avait accepté sans problème, se disant intérieurement que lui-même trouverait un autre fusible. Bref, son fils Ruben avait failli me violer pendant que son père parlait affaires avec le mien. Il avait alors quinze ans et moi, douze. J'avais réussi à lui échapper en grimpant et en me cachant dans un palmier derrière la maison, mais avant cela, ses bijoux de famille avaient pris chers. J'avais ensuite attendu leur départ avant de redescendre.

Jusqu'à ce jour, je ne les avais jamais revus. Douze ans plus tard, le voici de nouveau, mais ce n'est pas le petit gringalet de l'époque, non, Ce Ruben là, a grandi, il doit faire au moins un mètre quatre-vingt-cinq pour quatre-vingt-trois kilos, il est carré, une armoire à glace. Son regard même s'il est encore loin, est sombre, son visage entièrement tatoué est austère, son crâne est maintenant rasé. Des lettres, des sigles mais aussi une phrase sur son front « El Greco Son's », il annonce la couleur, celui qui s'attaque à lui, aura les foudres du cartel. Ses yeux sont renfoncés, plus il s'approche, plus mon corps se fige dans la terreur. J'ai un mauvais pressentiment, un très mauvais pressentiment.

— Luna ! crie mon père, viens ici !

Je ne le fais pas répéter deux fois, j'arrive vers eux, puis à leur hauteur, me courbe en signe de salutations. Je baisse la tête pour ne pas rencontrer leurs iris.

Amazon Devil's ( En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant