Pas sans toi... T

- 30 - Nick

A 15 minutes de Paris, plein sud avec un grand jardin, c'était censé être la maison idéale. Les 2 terrasses et la piscine intérieure nous ont fait foncer tête baissée chez le notaire sans aucune marge de négociation.

Nous sommes tombés sous le charme, y avons fabriqué des souvenirs, même préparé l'arrivée d'un enfant. C'était le partage d'un rêve...

Paloma a apporté de la chaleur, de la personnalité dans cette demeure. Elle a invité la lumière, la couleur, créée un « home sweet home » par l'ajout de quelques plantes et bougies parfumées. Elle l'a chouchoutée, l'a rendu confortable.

J'en ressens encore ses souvenirs, ses douleurs, l'absence d'un destin. Une horreur d'être dans la solitude, dans un trouble intérieur. Elle augmente mon supplice, peine que je me dois absolument de bannir pour éterniser mon bonheur récent ; cette sorte de magie qui réforme la vie réelle, qui répare les songes.

Je ne pensais pas retomber amoureux si vite ni la considérer comme toutes mes conquêtes, sachant qu'aucune n'a foulé mes quartiers avant All.

Cette soirée est censée être une mise au point. Un échange courtois, sans désordre. Des paroles loyales, claires, pleines de tendresse.

Il est temps de restaurer notre relation, de cesser cette horrible bataille et d'avoir recours aux derniers remèdes pour remettre nos liens en unions et édifier notre avenir.

Cette fille est un guide, une messagère. La réalité, la sincérité de mes sentiments me pousse à faire un choix, me transforme, m'a fait redevenir moi-même. Celui que le monde réclame à grands cris.

All assise sur le canapé baisse les yeux quand je la regarde. Elle ne se déride pas, ne se sent pas en confiance. L'étape de la reconquête va être plus difficile à matérialiser.

Émotionnellement, la pression de mon passé est tangible, chargée, mais ma priorité est là. Elle, mon commencement, ma continuation, ma perpétuité. Ma rédemption.

Après trois respirations ventrales, je me lance dans le bonheur que m'offre l'avenir.

— Ce soir, tu as inévitablement touché ma corde sensible. Tu m'as ôté la vie.

— D'un vide éclatant ?

— On a tous d'anciens souvenirs qui dorment au fond de nous.

— Comme t'exhiber dans des communiqués pervers ?

— Cette fille a obtenu ce qu'elle voulait : faire le buzz avec une vieille photo.

— C'est vrai, tu es un grand sujet de conversation. Tes postures touchent un très large public ; surtout féminin. Il va falloir entreprendre un travail de rééducation intensive.

— À la différence de mes amantes, tu ne suis aucune règle ! Tu n'exauces pas tous mes caprices et agis exactement à l'opposé !

— Les victoires ne sont pas faciles. Plus, je m'approche, plus, tu t'enfuies.

— Cette dernière année, j'ai réalisé que l'amour n'était ni un chef-d'œuvre ni continue. Rien ne me poussait vers l'amélioration. Le temps me donnait le vertige du début à la fin.

— La fermeté de ton caractère combinée à tes intérêts personnels a fait de toi une exclusivité internationale.

— Et ce soir, j'ai l'exclusivité de pouvoir les faire sentir à la seule femme qui représente tout pour moi.

— Plaisanterie atroce.

Très bien. Puisqu'elle tente de nous trouver les plus grandes différences possibles, je vais faire tomber son arrogance. Ces quelques portraits décriront ma soumission totale, effaceront ma réputation de coureur, créeront des soupirs de joie, d'amour, de déception.

Mon téléphone sous ses yeux, ma page attire son attention. Le fond de son cœur doit ressentir mes non-dits, mon silence. La manière maladroite d'exprimer mon amour.

Dans les milliers de façons de déclarer « je t'aime » m'est venue l'initiative spontanée. Pas très originale, néanmoins, il faut aussi accepter l'autre avec ses défauts, dans son entièreté. Des détails qui ne sont peut-être pas parfaits pour elle, mais qu'elle a déjà sous les yeux dans une mauvaise version de moi-même.

Son état d'hébétude me terrorise, toutefois, je me force à ne pas y penser. Je suis fier que ma douce moitié me donne la permission d'être à ses côtés malgré nos hauts et nos bas.

— Le contraste t'est-il si amer ? Ma révélation n'est pas grotesque, All. Je ne cache pas avoir été une ordure ni vouloir repartir à zéro.

— Pourquoi tout bouleverser ce soir ?

— Car enfin, je porte mes couilles de ce que je ressens pour toi. Que je t'ouvre mon cœur sans aucune peur.

— Tu ressembles à celui du passé...

— En une autre version.

Ma remarque la fait sourire. Ou souffrir.

— Les blessures se voient sur ta peau, me montrer tes cicatrices à découvert n'est pas essentiel.

— Disons qu'une certaine personne a modifié mon environnement.

— Je me demande bien qui.

Sa tête se détourne avant que je n'avise le carrousel de couleur colorer son visage.

— Je prends le risque d'être aimé, All. Au plus fort.

Dans toute ma fragilité et ta vulnérabilité.