28 - Nick

54 7 0
                                        

A quoi bon s'estimer heureux quand les morsures du chagrin, de la trahison, nous font sombrer dans les ténèbres les plus obscures ? J'avais beau fixer le soleil, pour moi, il était mort.

J'étais pourtant amoureux de la vie, profitant avec allégresse de chaque seconde qui s'envolait. Je parvenais toujours à enterrer mes maux malgré une majestueuse tristesse lors de la perte de mes parents. S'en est suivi celle de Paloma, une de mes plus grandes tragédies.

Accablé, j'ai sombré dans l'ennui, l'alcool, la colère, affligé par leurs disparitions trop rapprochées. Les douleurs vivent se sont prolongées, me baignant dans une tristesse perpétuelle. Je détestais le goût perfide de la femme, elles étaient devenues la pire maladie à la seconde où j'ai appris la trahison d'Adèle. La perversité, la démence, j'en ai fait ma seconde vie. Subsister parmi les morts était mon fil conducteur. J'ai laissé ma conscience s'égarer loin des regrets pour n'en laisser qu'un cœur glacé dans la pensée des gens.

La haine et moi étant inséparables, je ne craignais rien, agissait sans précautions. J'avais besoin de défier le peuple, de régler mes failles que je ne cachais plus. Eloigné de l'homme honnête, je n'étais qu'un déchet méprisé du monde, sombrant jour après jour dans la décadence. Sans humilité, sans douceur, mon corps pourri exprimait avec justesse ses plus basses pensées : faire souffrir la Terre entière.

J'admire cette femme qui est parvenue à se faire entendre, à se faire une place dans ma putain de vie, dans mon cœur opprimé. Pauvre cœur endurci qui n'a cessé de tambouriner au travers de la nuit quant à la personne couchée dans ce lit. Quelle perfection, quelle beauté que de piller mon mal avec patience, voler dans mon ciel avec audace.

Le corps malade, les idées floues, j'ai méprisé la vérité, convertissant mes sentiments en arme de guerre. Or, à cet instant, je ravale ma fierté de petit prince fortuné, la crainte amoureuse de déballer mes tripes devant une dame de valeur qui a su mettre une belle pagaille dans mes pensées.

Mes doigts tremblants repoussent en douceur ses mèches blondes qui lui cachent le visage pour mieux la contempler. Une merveille pleine de charme profondément endormie. A sa manière, parfois sans douceur, avec franchise, elle sait atteindre le bon qui gît sous mon âme, une propriété qu'elle s'est octroyée sans me balancer de mensonges. Pas besoin de tromperie, de pleurs, le courage de cette femme fait qu'elle détient bien ma paire de couilles dans le creux de ses mains.

Ses cils papillonnent et son regard transcendant me transperce. Ma bouche se pose contre la sienne pour me faire oublier cette soirée de merde où j'ai encore trop bu, la tête en vrac, l'estomac encore pris de relents acides qui remontent le long de ma gorge.

J'aspire à grandes bouffées l'odeur de son corps chaud contre le mien, enivré qu'elle ne refuse ce sceau digne d'un baiser de Roméo et Juliette. C'est consumé, enchanté que je romps le contact le premier. Dans le calme, je me retire, paré contre la foudre qui ne va pas tarder à tomber.

— Bien dormi ?

C'est sans escompter sur sa réponse que sa main oscille un à-peu-près.

J'ai épanché tous mes mauvais vices contre l'écorce fragile de cette femme. Fort débile que je suis, je n'ai pas su me reprendre. J'ai manqué d'honnêteté, de courage sans reconnaitre que mon cœur était en train de tomber amoureux, que l'orage avait assez duré. Je me suis retrouvé dans une mer déchaînée loin de la plume de poète que j'étais dans le passé. L'horrible fardeau d'un destin tout tracé, j'attendais de passer de vie à trépas.

— Je suppose avoir des explications à te fournir ?

— As-tu au moins assez de courage pour m'apporter une réponse limpide ? Je veux dire... Si je n'étais pas intervenue, que ce serait-il passé, Styles ? Jusqu'où aurais-tu été capable d'aller avec cette fille ?

Mes ongles grattent les poils de mon menton en signe de réflexion. Je n'ai pas intérêt à me planter sur la réponse au vu de son regard pétrifié qui me tombe dessus. C'est clair et précis dans ma tête, mais mettre des mots sur des pensées, c'est devenu pour moi une vraie difficulté pour une chose aussi simple.

— Il faut que tu n'aies aucun doute nous concernant.

— Je veux la vérité dans tes paroles, Styles. Pas un état d'esprit incertain.

— Cela ne fait pas de doute que, je ne sais pas ce qu'il se serait passé si tu n'étais pas intervenue.

Elle écarte les draps, se redresse, je la retiens par l'épaule, l'empêchant de quitter le lit. Une fois avoir retrouvé sa place en position horizontal, je repose sur un coude, fixant ses yeux mécontents me cracher toutes mes vérités en silence.

— Je sais, c'est cruel de l'entendre, All, mais la sincérité est l'amorce d'une bonne relation, en particulier, si tu veux me voir faire des progrès. J'en ai marre qu'on se choque tout le temps, qu'on aille au contraire de l'autre.

Elle s'agace soudain, ce qui me rend un peu plus confiant. Ce calme était anormal, mais je vais la libérer de ses craintes. Je vais lui faire cesser d'avoir peur.

— Comment éviter la collision ? Tu n'as jamais été un honnête homme, tu laisses toujours quelques doutes. Tu te mets à l'abri même avec tes plus proches connaissances.

— Manque de lumière... Ma vie est en manque de lumière, All.

— C'est toi qui se laisse plonger dans la noirceur, à penser que tu aimes l'obscurité qui t'enveloppe. Ton métier, tes amis te consolent, mais tu refuses de te laisser réanimer.

Il est vrai que je n'ai jamais cacher mon chagrin par pudeur. Lui et moi ne formions qu'un seul corps à bout de souffle. La foi envolée, les mauvaises attitudes exerçant leurs effets néfastes, je n'ai pas fait dans la dentelle sachant que tout mon être mutait en homme inguérissable dans sa mélancolie.

— J'avoue avoir eu du mal à me relever suite à toutes ces péripéties, mais quand ton univers s'éboule, tu es malheureux comme les pierres... Le cœur piétiné, plus de sentiments, je détestais les gens qui cherchaient toujours à savoir, alors, je me suis défendu comme j'ai pu. Je me sentais glorieux, me trouvais admirable alors que je n'étais qu'une pauvre petite merde qui avait perdue toutes ses valeurs. J'en ai tiré de terribles leçons, tu peux me croire.

— J'ai vu de mes yeux un fort relever une faible alors qu'elle allait tomber. Il a ravivé en elle une énergie indéfinissable que j'arrivais à peine à le croire. Elle s'est défendue, s'est détourné quelque fois, mais rien ne pouvait arrêter la violence avec laquelle, elle était attirée. Elle pourrait lui bâtir des empires, mais ne resterait pas s'il ne souhaitait pas de son aide.

— T'es en train de me dire que tu veux me remettre debout ?

— J'y mettrais tout mon espoir...

Pas sans toi... T Où les histoires vivent. Découvrez maintenant