Pas sans toi... T

27 - Allyson

Au fur et à mesure que ses pas lents s'avancent, mon corps brûlant fait marche arrière jusqu'à ce qu'il se retrouve coincé contre la parclose en acier qui sépare la chambre de la salle de bains au grand vitrage.

Le courage de m'enfuir se résigne face au fer froid qui soulage ma peau échauffée, et à ses larges épaules qui m'emprisonnent en barrant tout l'espace disponible pour m'échapper. Cette tour de muscles plantée devant moi provoque un désordre incroyable sur chacune de mes parcelles de chair.

Lorsqu'il tente d'attraper ma main dans la sienne, je la chasse vite fait. Quand tu éprouves des sentiments pour un homme qui roule des mécaniques et adapte son contact à la première venue, ne t'attardes pas, traces ta route sans lui. Il piétinera ton cœur pour l'éternité.

— Ne me touche pas !

Une voix criarde comme instrument de guerre pour me protéger, je continue à grogner entre mes dents serrées, malgré l'envie irrépressible de hurler toute la souffrance que mon corps dégage.

— Tu cherchais à te la taper parce que l'on n'a pas couché ensemble la nuit passée ?

Il n'est, en fin de compte, pas si bourré que ça. Il articule d'un ton distinct, capable de s'exprimer sans faute et d'une façon correcte.

— Si j'avais voulu te baiser, je ne me serais certes pas gêné. Ni avec l'autre, d'ailleurs.

J'ai déjà encaissé des coups durs dans la vie, mais pourquoi l'amour est-il toujours le plus difficile ?

— Et dire que pas plus tard que tout à l'heure, j'ai pu émettre un battement de cœur pour un type comme toi ! Tu me dégoûtes !

Il recule d'un pas sous l'effet de mon poing assassin qui s'abat sur sa poitrine, tout en extirpant de sa poche un joint à moitié écrasé, à moitié consommé. Folle de rage, je le chope entre ses lèvres alors qu'il s'apprête à gratter une allumette, réduisant la cigarette en miettes entre mes mains nerveuses.

La boîte noire publicitaire procurée dans une discothèque tombe au sol quand je lui tire le menton pour qu'il me voie.

— Regarde-moi en face, Styles ! C'est terminé, tu ne m'auras plus ! Tu as devant toi la plus grande guerrière du siècle ! Plus jamais, même pas du bout des doigts, tu ne toucheras ma chair ! C'est clair ?

Il tente tant bien que mal de me fixer de ses pupilles dilatées, mais c'est peine perdue. Apparemment, je me suis trompée sur son état, la clarté le rend sensible.

— Tu n'es pas un mec réglo, Styles ! Réponds-moi !

— Éteins cette putain de lumière, elle me donne mal aux yeux.

Il essaie d'attraper encore une fois ma main dans la sienne, je l'en empêche. Il me prête davantage d'attention après s'être heurté à mon refus catégorique.

— Tes actions définissent tes priorités, Styles. À l'instant, il est clair que je n'en suis pas une. J'ai envie d'être quelqu'un, pas de servir de souffre-douleur. Je recherche un homme qui me mérite, qui prend le temps de m'aimer, pas de m'écharper comme tu le fais.

— Je t'intrigue parce que je reste un mystère que tu n'arrives pas à solutionner, pas vrai ?

— Arrête tes bobards ! Tu m'emmerdes à toujours vouloir attirer la pitié et à jouer sans répit au malheureux !

J'ai beau apprivoiser ce que je ressens, mon corps ne peut pas être enchaîné à une âme aussi saccagée que la sienne. Pas après ce qu'il m'a fait subir ce soir. Je m'interdis de laisser aller mon esprit pour changer d'univers. Il a besoin de stabilité à présent.