Inspirez... Expirez... On recommence... On inspire profondément... On expire lentement... On gonfle son ventre, on remplit son torse d'air...
— Et on vide complètement ses poumons, terminé-je la phrase à la place du professeur de yoga.
Mon bras se tend pour éteindre son lecteur posé sur la coiffeuse pendant que Margaux, en recréant l'exercice, pousse un lent et long soupir de décompression sur le haut de ma tête, me décoiffant un peu.
— Comment peux-tu écouter ces merdes, tous les matins ?
Ma main passe dans mes cheveux pour les rebouter, un brin agacé qu'elle m'ait dépeigné.
Putain, je viens de me taper une heure avec la coiffeuse !
En la regardant à travers le grand miroir de maquillage accroché au mur entouré de lumières blanches, j'inspecte au passage ma sale gueule fatiguée d'avoir encore trop bu, hier soir.
J'ai fait la connaissance de Margaux lorsqu'elle a été recrutée par mon agence aux US en tant que maquilleuse artistique. Elle était comme par coïncidence à chaque lieu de shooting où je me trouvais. Nos atomes crochus ont fait naitre une amitié forte, et depuis, je ne peux plus me passer d'elle. Je l'ai détourné de l'agence pour en faire ma maquilleuse personnelle, il y a un peu plus de trois ans.
Pas si longtemps que ça, si on en juge au décès de Paloma. Juste avant que je traverse cette rive sans barque, celle de l'enfer, pour me noyer dans un chagrin incommensurable et encore hors de contrôle à ce jour.
J'ai perdu la femme de ma vie, mon premier amour, ma confidente, il y a environ un an... Par ma faute. Nous avions des tas de projets à venir, des rêves à construire. De mariage, de voyages... De famille. Mais ce soir-là, le créneau était monté à un stade que nous n'avions jamais atteint. Jamais.
Notre amitié avec Margaux, a été quasi instantanée. Elle n'hésite pas à sortir sa langue fourchue, elle ne ferme jamais sa gueule, et arrive toujours à cracher ce qui lui titille la langue avec finesse et subtilité. Rien que pour ça, j'adore son franc-parler. C'est l'une des rares femmes qui ne s'intéresse pas qu'à mon physique, et encore moins à ma cote de popularité mais à mon âme foutue et perdue qu'elle essaie de reconstruire et redresser du bout de ses petits doigts comme le ferait une véritable amie.
— Tu devrais essayer, c'est très relaxant, me coupe Margaux dans ma pitoyable élucubration.
— L'alcool, les femmes, il n'y a rien de mieux pour noyer momentanément ma mémoire.
— Tu ne retrouveras jamais la paix, si tu ne te tiens pas tranquille, Nick.
Nick ? OK... Lorsqu'elle roule mon prénom et non mo pseudo entre ses lèvres, c'est pour me sermonner qu'elle veut mon bonheur, qu'il faut que j'arrête mes conneries et tout le toutim. Mais là, franchement, ce matin, je n'ai pas envie d'écouter ses conseils, ni de nécessiter son aide. J'ai juste besoin de souffrir en silence et de tomber goutte à goutte dans le désespoir.
— Ce soir, toute l'équipe va fêter les derniers contrats empochés. Tu viens ?
— Quel changement extravagant de conversation, Styles. Toujours aussi médiocre pour détourner la discussion, mais n'oublie pas que tu n'as plus aucun secret pour moi, mon beau gosse.
J'écarte sa remarque lorsqu'elle ne s'attarde pas sur le sujet. Elle a dû apercevoir mon changement d'humeur, mon corps tendu caché sous mon rire nerveux, derrière lequel j'enfouis tant de misère.
— Alors, ça te dit ?
— Non, j'ai promis à All de passer un peu de temps avec elle.
All...

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Pas sans toi... T
RomanceAll, depuis la mort de ses parents, a abandonné ses rêves pour consacrer son temps aux indigents. Une vie quasi-inexistante, des moyens plus que précaires, elle préfère donner de son temps aux autres plutôt que de prendre soin d'elle. Jusqu'au jour...