All, depuis la mort de ses parents, a abandonné ses rêves pour consacrer son temps aux indigents. Une vie quasi-inexistante, des moyens plus que précaires, elle préfère donner de son temps aux autres plutôt que de prendre soin d'elle. Jusqu'au jour...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
La voiture gronde, le moteur s'étouffe. Je coupe le contact de la fourgonnette et recommence encore une fois, mais pour le coup, rien ne se produit. Pas de vieux ronronnements enroués qui m'indiquent qu'elle est repartie pour un dernier tour. Rien. La tête d'Ilés apparaît de sous le capot. Il fait le tour du camion, ouvre la porte de mon côté, et le froid s'engouffre dans l'habitacle déjà bien glacé.
— Laisse tomber Allyson, on va prendre ma voiture. Je crois que les bougies et la batterie sont HS.
— Allez, on transfère le ravitaillement dans ta voiture.
— Je m'en charge. Va prévenir Agnès que cette foutue carriole est encore en panne.
— D'accord, j'y vais.
Grâce — synonyme de douceur dans ce monde injuste — a fait son temps, il me semble bien. C'est l'un des premiers véhicules financés par la mairie depuis la création de l'association, il y a plus d'une dizaine d'années. Il a peut-être une allure de guerrier amoché et cabossé par le temps, mais il nous est bien utile pour les tournées pendant les périodes de grand froid. Mais ce soir, je crains que ce vieux tas de ferrailles, n'ait rendu sa pauvre carcasse. Et ça m'embête vraiment, parce que c'est ma toute première tournée avec l'équipe. J'ai décidé d'aller aux devants des gens, de la peur de me souvenir de la rue. Même si j'ai toujours cette appréhension de ne pas savoir comment les réconforter, de leur apporter un peu d'aide aussi infime soit-elle, il suffit de me glisser dans leur peau, dans celle dans laquelle j'étais infiltrée avant, et de raviver toutes mes émotions plongées dans un sommeil fragile. Après tout, ça n'allait pas être si difficile, je peux très bien le faire.
J'enfonce mon vieux bonnet polaire sur la tête, et la fais disparaître sous ma capuche. L'hiver est précoce cette année. On a, à peine entamer l'automne, que j'ai déjà les doigts de pieds gelés. Une équipe de volontaires termine de charger le deuxième camion — Espoir — alors que je m'apprête à pousser la porte de l'association.
Je me dirige vers le bureau de ma supérieure. Sa porte est grande ouverte, ce qui signifie qu'il est inoccupé. Je retourne sur mes pas, et en passant la tête par la porte de la salle de repas, je jette un coup d'œil en parcourant l'espace vide, lui aussi. D'après l'heure qui s'affiche sur ma montre, on aurait dû commencer la tournée, il y a dix minutes déjà.
— Oh putain, il pèle dehors ! Tu as trouvé Agnès ?
Ilès remonte son col de manteau jusqu'au cou, et souffle sur ses mains frigorifiées.
— Non. Elle n'est ni dans son bureau, ni dans la salle de repas. Je vais essayer les dortoirs, sinon je lui laisserai un post-it sur son bureau pour la prévenir de la panne, et que l'on prend ton véhicule perso à la place.