Pas sans toi... T

16 - Styles

J'affronte faussement serein son regard harassé, sans me préoccuper du jugement critique qu'elle doit sûrement porter à mon égard. Elle a d'excellentes raisons, mais ne nous préoccupons pas de ça pour l'instant. Je m'attends au jugement suprême au milieu de ce carnaval de musique, mais d'abord, je dois juste franchir ce gouffre pour épargner un nouveau rejet de sa part.

J'avance la main pour caresser sa joue, pour réduire à néant ce regard fatigant, mais elle me frappe d'interdiction en enroulant avec force ses fins doigts autour de mon poignet, laissant la louve en elle sortir de sa tanière. Je gonfle mon ego, persuadé d'avoir fait le bon choix en écoutant les conseils de Margaux.

« Ouvre-lui ton cœur »

Mais ça serait chose plus aisée si je n'étais pas si anxieux et qu'elle m'autorisait à pénétrer dans son espace.

— Je sais que rien ne pourrait justifier mon comportement envers toi, alors qu'attends-tu, All ?

— Venant de ta part, rien. Raisonnement logique, non ?

Par ses gestes nerveux, je suis persuadé qu'elle montre des signes de faiblesses. Les poings serrés cachés dans mes poches de jean, je lui demande la gorge entravée par une boule d'angoisse :

— Je sais que je suis imparfait et faillis à beaucoup de choses entre nous, mais cette guerre inutile pourrait-elle avoir des retombées sur notre relation ?

— Oui. Et pas qu'un peu.

— Je veux connaître l'impact réel, All.

— Au pire, il y a de forte chance qu'en sortant de chez toi, tu te sentes laid et sans valeurs. Au pire, tu te sentiras perdu dans les méandres obscurs de ta mémoire. Et encore pire, je ne serai plus là... Ta vie perdrait de sa valeur tout comme la mienne n'en a jamais eu à tes yeux.

Sa voix déterminée me file froid dans le dos.

Elle est mon refuge, elle est tout ce que je mérite. Elle est l'orthographe de mes mots qui n'ont plus de valeurs à ses yeux, mais l'est d'une absolue dans les miens. Dans ma vie qui était insensible avant ma rencontre avec cette femme où elle a multiplié mes incertitudes et volé ma liberté dans ma propre coquille. Un acte irréfléchi qui me conduit aujourd'hui avec lenteur vers la paix et la remise en question.

— Jugement hâtif, répliqué-je sans attendre. Tu nies les capacités des relations pourries...

— À s'autodétruire ? me coupe-t-elle d'un ton aussi foudroyant que l'éclair. À avoir des sentiments qui n'ont plus de raisons valables ?

— À se donner une chance. À vaincre des difficultés qui n'existent que dans nos têtes.

— Tu m'impressionnes, ce n'est pas croyable, ironise-t-elle. Tu ne cesses de l'aimer à longueur de journée, Styles, alors, qui es-tu pour me faire croire que tout va bien ? Que tu es guéri de son absence alors que le manque est bien présent ? Tu es faible et ce sentiment de pénurie ne se cache pas. Il se montre, il se vainc.

Cette conversation n'a plus de bon sens. Moi qui l'imaginais déjà pleine d'émerveillement, devient un véritable obstacle.

Les mots qu'elle m'assaille me font manquer de repères et tomber dans l'oubli. Une foule de souvenirs viennent mordre mon courage qui tombe à l'échec, et je ne deviens plus que l'ombre de moi-même.

Le miel de sa peau me manque avec tant de violence, que mes mots deviennent de la mélasse, me rendant stupide et absent de toute graine d'intelligence.