Pas sans toi... T

8 - Allyson

Qu'est-ce qu'il raconte sur ce fichu blog ? 1,5 cl de liqueur de café, 1,5 cl de crème de whisky et 1,5 de whisky. Eh bien, ce soir on va tripler les doses !

Dos à la foule, je pose mon portable, avance les trois bouteilles restées sur le bar, et tire un verre de shot de sous le comptoir.

Ensuite. Verser de façon à garder les étages intacts dans l'ordre suivant : Kahlua, Baileys, Whisky. Pour ne pas mélanger les ingrédients, versez-les en utilisant le dos d'une cuillère. 120 kcal ? Vraiment ? Qu'est-ce que l'on s'en tape des calories. Ben, on va tripler les doses, là aussi ! Ça ne tuera personne. Et ça anesthésiera mon cerveau.

J'étage les doses et avale aussitôt cul sec.

Oh putain, c'est puissant ! L'alcool me brûle quasiment la gorge que je me mets à suffoquer, lorsqu'une main vient tapoter délicatement mon dos.

— Tu y vas fort. Les novices commencent toujours par un verre de Blends.

Une voix... Une voix de petit garçon grimaçante et mordante, presque timide et apeurée. Tout sauf rêche, grave, presque déplaisante à entendre et à m'en donner des frissons.

Je me retourne et regarde le grand gaillard à mes côtés, tout droit sorti d'un séminaire et parfaitement digne d'un fils à papa. Je n'ai aucune difficulté à l'imaginer avec son petit chien en laisse, revenant de la boulangerie avec sa baguette sous le bras. Un costume bleu surpiqué et trois boutons défaits de sa chemise, sont les seuls arguments pour me faire penser qu'il a besoin lui aussi de se vider la tête.

— Un connaisseur à ce que je vois.

— Non, un dégustateur, jolie Demoiselle.

— Je ne vois pas où est la recherche du plaisir. Un whisky reste un whisky.

— Sacrilège ! Une testeuse pas facile d'accès à ce que je vois ?

— La testeuse aime tout ce qui la rend douillette.

— Alors passons à la seconde étape.

Je sens que la nuit risque d'être longue...

Il fouille sous le bar en repoussant les bouteilles et en sort trois différentes qu'il aligne devant moi. Il place deux verres sur le comptoir. Un fin, et un plus large à la base en forme de tulipe.

— Celui-ci, c'est un verre à dégustation, et celui-là, à whisky. On l'appelle aussi Copita. De la néophyte, tu vas très vite devenir orfèvre en la matière.

— Je te laisse tester mes limites, mais je me refuse à passer un test d'alcoolémie en sortant d'ici. Même à pieds, je risquerai de me choper une contredanse.

Je lance un coup d'œil désespéré à travers la pièce, alors qu'il remplit les verres. Pas de Styles ni de Margaux. J'espère qu'elle ne s'est pas barrée, car je ne refais pas le chemin à pieds avec ses escarpins. Je me suis chopée des ampoules à tire-larigot.

— Eh, l'apprentie !

Je retrouve ma position et le regarde alors qu'il fait le tour pour venir s'asseoir près de moi. J'attrape un verre, mais sa main se pose sur la mienne sans que mes lèvres n'aient le temps d'atteindre le corps de Copita.

— Pas besoin de graisser les rouages à ce que je vois.

Dans une grimace, je m'efforce d'oublier mon dérapage de tout à l'heure avec Styles, mais c'est comme demander à mon corps d'arrêter de respirer. C'est tout bonnement impossible.