7 - Nick

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Je grimpe avec maladresse les escaliers quatre à quatre en claquant la porte derrière moi, pour m'isoler dans la salle de bains. La respiration heurtée, les deux mains tremblantes agrippées sur le bord du vieux lavabo qui sert de soutien à mon corps las et bourré, je regarde mon putain de reflet cireux dans le miroir fissuré.

Putain, mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi, Nick ?

Si j'étais un mec honnête, j'aurais avoué l'étrange attirance que j'éprouve pour All. J'aurais choisi le sentiment le plus fort au lieu de l'amour dépouillé, mais ma vie est tellement un champ de bataille, que j'attire les emmerdes comme des mouches alléchées par un pot de miel.

L'amour est un sacré fumier. C'est un monde sans gloire et sans talent. Un monde où l'on se fait la guerre et fini achevé par l'échec. Un monde qui m'a porté dans le désespoir et l'abandon, et accomplit une parfaite mise en route vers une haine irrationnelle.

La vérité, c'est que je ne suis pas rationnel. J'exploite mon physique pour utiliser l'amour comme une forme de vengeance, pour réduire tout ce qui touche à mes sentiments, à l'amour facile, parce que c'est tellement plus pratique pour moi d'exprimer ma colère, mon chagrin, à travers la souffrance des autres. Et le pire, c'est que je n'en ai rien à foutre. Je souffre, alors j'essaie tant que possible de blesser.

Mon cœur s'est fissuré et mon corps s'est cassé la gueule, ce fameux soir où j'ai reçu cette alerte. C'était censé être une discussion ouverte, une mise à plat, une remise à l'heure des pendules, mais la soupape s'est comprimée et a fini par exploser au moment où tu as passé cette foutue porte au moment où tu venais de me quitter.

Lorsque les autorités sont venues sonner à notre porte ce matin-là, j'ai tout de suite ressenti ce sentiment pénible d'étouffer comme si l'on venait de me voler ma liberté, comme si l'on m'avait retiré une chose essentielle dans ma vie. Comme un manque atroce d'oxygène lorsque j'ai appris ton décès. Depuis lors, c'est là que tout a commencé... Cette brèche finement ciselée avec du barbelé, grandit chaque jour dans mon monde au premier rayon de soleil.

Un petit coup à la porte me sort de ma léthargie, quand Margaux passe la tête en toute discrétion dans l'entrebâillement.

— Tout va bien ?

Ça fait deux jours qu'elle me pose sans cesse cette question de merde ! Eh bien, non ! Rien ne va ! J'étais à deux doigts de baiser ta meilleure amie ! J'ai découvert une partie de mon passé dont je suis le personnage principal mais qui m'est totalement inconnu ! Mais à part ça, tout baigne !

— Ça va, Margaux. Je suis juste un peu... Paf, la rassuré-je en posant mon cul sur le rebord de la baignoire.

— Paf ? ricane-t-elle. Tu as pris une sacrée caisse, ouais !

Elle cale ses fesses près de moi, en frottant d'un geste chaleureux sa main sur mon dos. C'est bien la seule qui a l'exclusivité d'avoir autant de familiarité avec moi, parce que, ouais, c'est la seule à qui je peux réellement me confier.

— Ça va aller. Ne baisse pas les bras.

Ce qui est génial avec elle, c'est que tu n'as pas besoin de t'exprimer, elle capte tout avant que tu n'ouvres ta gueule. Elle regarde ta face d'un seul coup d'œil et elle a déjà cerné ton problème.

Tout à coup, je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de m'évader, de prendre le large. Je me sens si fragile et impuissant soudain, que je préfère partir dans mes souvenirs pour me replonger dans la nostalgie au lieu d'assumer le désordre à l'intérieur de moi.

Pas sans toi... T Où les histoires vivent. Découvrez maintenant