Chapitre 13 : Prochaine opération

8 3 12
                                    

Avec l'aide de Ten, Ash se releva en vitesse, puis ils sortirent ensemble de ce sous-sol de malheur. Ash ne savait pas pourquoi, mais cette servante, Gina, les accompagnait. Ils se pressaient, Ash avait les membres un peu engourdis à force de rester allongé, aussi il avait du mal à suivre Ten et les autres. Pendant leur course, en guise de bonjour, Ten dit :

— On en a bavé pour te retrouver ! Enfin pas vraiment, mais ça a été long, quoi !

— Je te signale que c'est moi qui en a le plus bavé, dans cette histoire ! Fit Ash indigné.

— Arrêtez de parler et pressez-vous un peu ! Les reprit Ason.

Ten ria, et ils sortirent en vitesse de cette maison. Ils arrivèrent dans le jardin de derrière, puis commencèrent à escalader le grillage, quand ils furent interrompus par Gina : « Attendez ! » cria-t-elle. Ash se retourna.

Dans s précipitation, il n'avait pas remarqué l'état de la jeune femme : la voix à demi cassée, du sang séché de la veille partout sur le visage, une joue gonflée. Dans ses ballerines, ses pieds étaient complètement rougis et gonflés par le froid. Pareil pour ses mains. En même temps, elle avait passé la nuit dehors. Elle se réchauffait comme elle le pouvait dans un manteau qu'Ason lui avait visiblement prêté. D'une voix hésitante, elle dit :

— J'ai... J'ai changé d'avis. Emmenez-moi avec vous, s'il-vous-plait !

— Tu avais dit que tu ne voulais pas prendre de risques, fit Ash, étonné.

— Comment va réagir monsieur Asghint, à ton avis, quand il verra que tu t'es échappé ?

Ash n'avait pas vraiment envie de le savoir. Cet homme semblait capable de tout. Ash, Ason et leur troisième acolyte acquiescèrent silencieusement, puis Ason aida Gina à grimper sur le grillage. Ils passèrent les uns après les autres, puis s'enfuirent en courant loin de cette maison, et ils l'espéraient, loin de son propriétaire.

Il faisait déjà nuit, il n'y avait personne à part eux dans les rues d'Athelcor. Cela ne les empêchait pas de se dépêcher autant qu'ils le pouvaient pour arriver jusqu'à leur planque à l'autre bout de la ville.

Ils arrivaient près de l'allée centrale de la ville, lorsqu'ils entendirent un fiacre fendre le silence de la nuit. Ils se cachèrent dans une ruelle le temps qu'il passe, pour ne pas se faire repérer. On ne sait jamais, après tout, cela pouvait très bien être monsieur Asghint qui rentrait chez lui après avoir visité la cabane qu'Ash lui avait indiquée. Si c'était le cas, ils faisaient bien de se cacher.

La petite troupe continua à marcher sous la neige jusqu'à arriver à leur planque fétiche. Une fois arrivés, ils purent enfin relâcher la pression (du moins Ash et Gina, car les autres ne semblaient pas particulièrement stressés). Au sous-sol, dans un coin, l'argent était toujours là, caché sous des tissus noirs. Cela faisait bizarre, pour Ash, de se retrouver face à l'argent pour lequel il avait eu tant de problèmes.

Leur acolyte au visage caché, qu'Ash avait presque oublié tellement il s'était fait discret, se décida enfin à retirer son manteau. Ash en eut presque un choc :

— Princ... Mi-Mi-Mino ? Bégaya-t-il en découvrant la princesse sous son manteau, il n'avait même pas remarqué que c'était elle qui les avait accompagnés tout du long.

— ... C'est moi ou t'es légèrement ramollo du ciboulot ? Rétorqua l'intéressée, surprise par la lenteur d'Ash.

— A force de rester enfermé, son cerveau a dû finir par rétrécir, rigola Ten à son tour.

— Arrête, c'est pas sympa ! S'indigna Ash. Tout ça c'est de ta faute, d'abord ! C'est toi qui m'as emmené chez les Asghint et qui...

— Bref ! Le coupa Mino en s'approchant de la table. Comme tu as raté la réunion d'hier, on va te faire un petit résumé. Nos alliés qui accompagnaient le maître des poisons se sont faits repérer par des gardes au village de Morrinos. Le maître des poisons et un autre homme leur ont échappé, mais maintenant ils doivent faire un détour à travers la toundra. Ils auront quelques jours, peut-être une semaine de retard. Seulement... On a un petit problème...

— Comment ça ? Demanda Ash.

— Les gardes lui ont saisi son poison, compléta Ten.

— Dans ce cas, on n'a qu'à en refaire, non ? Fit Ash, ne comprenant toujours pas le problème.

— C'est l'idée, répondit Mino. Mais il demande des fleurs d'acarath. C'est une plante exotique, elle ne pousse pas dans le nord.

En gros : sans cette fleur, pas de poison, et pas de poison, pas d'assassinat du roi. Ils étaient dans une impasse. Après un court silence plein de réflexions, Gina, la jeune (ancienne) servante, qui jusque-là était restée silencieuse, prit la parole et dit :

— Je sais peut-être où en trouver...

— Ah oui ? Fit Mino, pleine d'espoir.

Gina jeta un regard à Ash, un regard qui avait l'air de dire « Ça ne va pas te plaire... », et continua :

— Monsieur Asghint... Il adore collectionner toute sorte de plantes qui viennent d'ailleurs. Il a une petite cabane dans son jardin où il les entrepose. Enfin je ne suis pas sûre qu'il ait la fleur que vous recherchez mais...

— Ça vaut le coup d'essayer ! La coupa Mino.

Ash n'aimait pas trop ce qui se tramait. Mais cela n'empêchait pas la conversation de suivre son cours :

— Gina, vous connaissez l'emploi du temps de monsieur Asghint ? demanda Mino. Savez-vous quand il sera absent de chez lui ?

— Non, il ne me le dit pas, je ne suis pas trop au courant de toutes ces choses-là.

— ...Tant pis, fit Mino, qui semblait déçue.

— Quand est-ce que vous voulez y aller ? Questionna Gina.

— J'imagine que le plus tôt sera le mieux. Le maître des poisons arrive dans les prochains jours, si tout se passe bien, alors je préfèrerais qu'on ait récolté ces fleurs avant son arrivée. Donc demain, ce serait parfait.

— La question, maintenant, c'est qui va y aller ? Continua Ten.

— Je vais y aller, histoire de me rendre utile, dit Gina. J'ai les clés de sa cabane, dit-elle en sortant un petit trousseau de clés d'une poche de sa robe. Mais je préfèrerais ne pas y aller seule...

— Moi, je travaille, demain, fit Ten.

— Moi, je vais devoir rester au palais, fit la princesse, qui finalement n'en était une que quand elle le voulait.

Ash n'aimait pas du tout ce qui se tramait. Bizarrement, tout le monde était occupé. Il espérait qu'Ason se porterait volontaire pour accompagner Gina, mais se rendit compte que celui-ci avait filé pendant la conversation. Comprenant ce que cela voulait dire, Ash s'exclama :

— C'est une blague ?! Vous êtes en train de me dire que je dois retourner chez le barjo qui m'a séquestré dans sa cave pendant deux jours ?

— Désolé, répondit Ten avec un sourire amusé.

— Tu dramatise un peu les choses, c'était à peine un jour et demi, fit Gina en le toisant, avec ses jolies blessures plein la figure qui disaient clairement « Moi j'en ai bavé, comparé à toi ».

Ash en avait marre. Il ne voulait certainement pas retourner là-bas. Tout mais pas ça ! Il avait presque envie de leur fausser compagnie et de laisser Gina y aller toute seule. Mais, en même temps que cette idée lui traversa l'esprit, il se rendit compte que celle-ci aussi devait risquer gros en retournant chez monsieur Asghint. Peut-être devrait-il se montrer aussi courageux que la jeune femme ? Et puis, il suffisait d'y aller et de rapporter une fleur, juste une fleur, et le roi mourrait et tout le royaume changerait. Ash essayait de se redonner un peu de courage en se disant cela, ne serait-ce qu'un tout petit peu.

Ils mirent fin à la discussion et éteignirent les bougies. Ten installa Gina dans la maison au-dessus de ce sous-sol, qui était jusque-là inhabitée, puis ils sortirent de la maison. Mino repartait de son côté, cachée sous sa capuche, telle un voleur, tandis qu'Ash et Ten rentraient enfin.

A la bonne surprise d'Ash, Ten avait pensé à lui laisser à manger, lui qui était affamé. Il dévora son petit repas, puis se mit enfin au lit, sur un matelas tendre et sous une grosse couverture, mais malgré tout la boule au ventre de devoir retourner chez monsieur Asghint le lendemain même.

Crowns / 1. Sous la neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant