15. Jack

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Point de vue de Jack

Andreia cache beaucoup de choses, je le sais, mais là, quelque chose d'autre m'échappe. Nous avons quitté la cité de la Purge pour aller vers les Bas-Fonds, mais elle s'est refermée comme une huître. Je ne peux plus lire ses émotions, tout est voilé, ne me laissant percevoir qu'une vague sensation lorsqu'elle est colère, rien de plus.

Je louche sur ses mains gantées qu'elle ne cesse de masser ou de gratter, je crois même qu'elle le fait inconscient. Elle est tellement agitée qu'elle va nous faire griller. Je me retiens de soupirer, mais ma Lanterne se charge à ma place de faire la gaffe à ne pas faire.

C'est moi ou la Sorcière est pire que moi pour la discrétion ?

Je fais une grimace, je suis maintenant dans la merde. Justement, Andreia fait volte-face des éclairs furibonds dans le fond de ses yeux si sombres que je ne parviens pas à distinguer ses pupilles. Elle pointe son doigt vers moi et je recule par réflexe ; j'ai vraiment l'impression que c'est plutôt une arme et pas doigt qui s'approche de moi.

— Non, mais c'est quoi votre putain de problème ?!

Je me renfrogne, puis j'échange un regard incertain à ma Lanterne qui me le renvoie bien. Pourquoi la concubine est sur les nerfs ? Sauf que ça met Andreia encore plus en rogne contre moi qui vocifère mon nom. J'ai l'impression d'être un blasphème dans sa bouche et ce n'est pas agréable comme constat.

— Andreia, calm-

— Je. Suis. Calme.

Eh, ça ne paraît pas.

Heureusement, je ne lui ai pas dit à voix haute, sinon, il aurait fallu décider la date de mes funérailles.

— Nous allons bientôt arriver dans les Bas-Fonds. Le fait qu'on ne peut pas se flairer va nous aider, mais j'ai besoin de rester en vie.

Une veine se met à palpiter furieusement sur la tempe de la concubine, mais elle ne bouge pas. Je ne sais pas si c'est un bon signe, j'ai tout de même la sensation de me trouver devant un volcan à deux doigts d'entrer en éruption ; rien de rassurant. Je ne quitte pas son regard, je me méfie de sa réaction, mais une mèche se trouve sur son visage. J'ose approcher ma main pour la dégager et ça suffit à la réveiller ; elle me repousse sans ménagement pour s'éloigner sans rien dire.

Encore ; elle évite que je touche ses cheveux. Pourquoi ?

Je ne sais pas, mais quelque chose m'agace. Je perçois toujours une flambée de colère lorsque j'essaie de toucher sa chevelure, mais il y a bien trop d'émotions pour que je parvienne à comprendre. Peut-être est-ce parce qu'il s'agit d'émotions que je n'ai pas connu ? Quand elle a eu peur pour sa liberté, tout m'avait paru limpide à ce moment. C'était la première fois que ses émotions avaient été aussi claires, aussi facile à saisir, mais là, je ne comprends rien. Je peux dire qu'elle ressent de la colère, du dégoût et un soupçon de haine, mais rien de plus.

C'est plutôt déroutant comme impression, savoir sans savoir, sentir sans comprendre.

Cependant, je n'ai pas le temps de me pencher plus longuement sur la question. Je lève mon regard sur l'arche qui délimite les Bas-Fonds, repaire de l'Anarchie dans tous ses penchants, bon comme mauvais. J'y ai déjà traîné avant, mais je me suis vite lassé ; les gens sont tarés et manquent cruellement d'humour. Ici, tout est une excuse pour faire de la baston ou simplement pour prendre pouvoir sur un autre.

J'espérais sincèrement que notre enquête allait bien se dérouler.

— Bon, Andreia, je...

Ne parles pas à voix haute, c'est trop risqué.

Ô ! Lanterne, c'est pas le temps de me lâcherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant