6. Jack

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Point de vue de Jack

Je veux lui faire ravaler son sourire de merde à cette sournoise de sorcière. Merde, elle a eu le temps de m'apposer sa marque ; j'aurais dû être plus prudent. Son maléfice est puissant, je ne peux pas le brûler, je ne peux pas lui faire perdre connaissance moi-même pour annuler ce sort et je dois me coltiner toutes les impressions qu'elle ressent pour moi. C'est beaucoup de haine et de colère, même si par moment, je perçois qu'elle est amusée, mais je lui trouve toujours un petit air suffisant et diabolique. Je secoue la tête alors que je sens mon chapeau s'alourdir sur ma tête. Je suis en train d'inquiéter ma lanterne avec cette garce et je ne veux pas qu'elle se dévoile.

Je suis pris au piège, mais elle non et c'est la dernière carte qui me reste dans la manche.

Je suis d'un pas lourd la sorcière en face de moi depuis une dizaine de minutes. Ce n'est pas comme si j'avais d'autres options à ma portée. Je n'aurais pas cru que cette petite plaisanterie qui date de deux siècles allait me tomber dessus, mais bon, je connais bien le vieux dicton : «on récolte ce que l'on sème». Par contre, je ne me souviens pas exactement de ce que j'ai fait. Je n'aurais juste pas pensé à récolter une concubine aux capacités bien plus puissante que dans mes souvenirs.

Je fronce les sourcils alors que je creuse dans le passé. Son apparence est toujours aussi similaire : une chevelure blonde et abondante, une peau d'une blancheur et une d'une beauté digne du vieux conte de Blanche-Neige. Pourtant, ce n'est pas l'une des favorites du Diable ; non, ce dernier est bien plus proche de Lilith, Kali, Abeko et Belili, mais je ne connais pas trop ces lubies du moment. Je sais seulement que ces quatres-là sont toujours à ses côtés et qu'il y a toujours des favorites temporaires.

À mon avis, elle l'a été quelques temps et ça adonne que c'est lors de ma dernière plaisanterie pour le Diable.

Je regarde son déhanchement avec son pantalon bouffant. On pourrait croire qu'on ne voit rien, mais je peux distinguer le mouvement de son cul en toute liberté. Personnellement, je n'ai jamais été attiré comme d'autres par les jeans ou les vêtements trop moulants ; je trouve bien plus charmant un vêtement qui offre une liberté totale. Surtout à un postérieur comme le sien, il me faudrait deux mains pour saisir l'une de ses fesses.

Une chance, je n'ai aucune envie de vérifier ce détail à cette sale garce ; elle peut s'estimer chanceuse que je n'ai pas tenté de la brûler vive. Mais pour qui se prend-t-elle ? On est au 21e siècle, l'esclavage a été aboli depuis des lurettes et c'est une excellente chose. Pourtant, elle jubile de me voir la suivre derrière elle sans pouvoir m'en prendre à elle. Tantôt, ma colère l'a brûlée, mais j'ai également ressenti sa douleur comme la mienne. Il y a bien longtemps que je n'avais plus ressenti la souffrance du feu et elle l'a endurée presque sans ciller.

Presque et je suis content que ça lui ait fait mal.

— On arrive bientôt ?

— Tu m'as posé la question il y a 30 secondes, s'exclame la sorcière en jetant une œillade contrariée dans ma direction. Et presque tous les autres 30 secondes d'avant.

Je lui offre un sourire sardonique et je récolte un regard qui tue. Dommage pour lui, j'ai vu bien plus effrayant. Sans modifier mon rythme ni mon expression faciale, j'écoute attentivement ce que me dit ma lanterne.

Hmm, elle me dit quelque chose.

— Oui, elle a été un dommage collatéral d'une vieille plaisanterie il y a quelques siècles, lui répondis-je tout bas.

Mais visiblement pas assez, car la chipie se retourne spontanément dans ma direction. Ses émotions à mon égard sont loin d'être douces et inoffensives ; elle aimerait sans doute m'humilier sur place, comme si elle ne le faisait déjà pas avec son maudit maléfice. Elle me lance un regard soupçonneux et elle m'interroge :

— À qui tu parles ?

— À mon chapeau, répliqué-je.

En plus, c'est réellement la vérité et elle n'y comprend rien ; c'est exactement ce que je voulais. Elle plisse des yeux un instant avant de regarder de nouveau devant elle. Elle s'arrête à une intersection et croise les bras le temps que la lumière change.

On ne s'excuse pas dans ce genre de situation ? se questionne ma lanterne sous sa forme chapeau de paille.

— Pas dans notre cas, non.

La lumière change à ce moment et on traverse la rue qui nous rapproche d'un bistro familier : Les Soeurs Grises. Je grimace en reconnaissant la devanture vitrée et cela n'échappe pas à Andreia. Celle-ci me lance un regard qui exprime toute sa désapprobation et je peux sentir l'étau de ce maudit tatouage se resserrer sur ma chair.

— Ne me dis pas que tu as des dettes avec les vieilles ?

— Non, juste une autre mauvaise plaisanterie.

— Tu leur as subtilisé leur œil toi aussi ?

Je lance un regard surpris à ma geôlière.

— Aussi ? Tu l'as fait ?

Elle hausse les épaules avec un sourire énigmatique avant de passer la porte. Je la suis dans son ombre et je lance rapidement un regard dans la pièce. C'est plutôt calme en ce début d'après-midi, mais ça ne devrait pas tarder à se remplir d'ici une heure. Le soleil nous bombarde de ses rayons chauds malgré l'air froid de l'automne. Andreia se dirige telle une habituée vers le fond du magasin où je peux voir une des sœurs grises assises. Les autres doivent roupiller quelque part et j'en ai rien à carrer d'elles.

Moi, on m'a promis de l'alcool et c'est tout ce qui m'intéresse.

Andreia salue la vieille qui lève la tête. Cette dernière dégage de son visage ses cheveux d'un gris argent presque irréel. Aux yeux de tous, elle n'a l'air que d'une vieille femme en bonne santé malgré ses yeux. Cette dernière lance un regard amer à la sorcière et un bien pire pour moi.

— Que fiche cette andouille dans ma boutique ? baragouine la vieille peau.

— Boire, tu me connais, répliqué-je avant même la sorcière. Il me semble que tu sers toujours ceux qui ont de quoi payer, non ?

Je sors quelques pièces d'or du monde d'En-Bas et je précise à son intention :

— J'ai besoin de me refiller.

— Je suis là, s'exclame Andreia en agitant ses mains entre la vieille et moi.

— Difficile d'oublier le cul que j'ai reluqué pendant 15 minutes. Maintenant, sois polie et attends ton tour.

Je ne vois pas la face qu'elle fait, mais elle s'est tue. Est-elle offusquée ? Je l'espère, mais je ne quitte pas mon regard de la vieille. Cette dernière fronce les sourcils sans aucune considération pour la sorcière à mes côtés. Je fixe longuement la vieille et elle soutient mon regard en retour, mais je suis et je reste le gagnant à ce jeu. Elle finit par ramasser les pièces et elle hèle une serveuse. Elle lui murmure quelque chose à l'oreille et celle-ci disparaît de notre vue.

— Merci la vieille.

— Sale garnement et tu parles de politesse à cette peste ? se renfrogne la dame et je ris à sa remarque.

— Eh ! Je vous entends, vieille peau et je sais où vous dormez.

La Grée lui accorde enfin un regard et il est des plus sombres. Elle se redresse lentement, laissant son aura obscurcir les environs sous l'effet de sa colère. Même moi j'ai un mouvement de recul et je perçois un tremblement de la part de ma lanterne. Je caresse doucement mon chapeau et je laisse doucement ma propre flamme gonfler. Cela semble la rassurer, car ma lanterne cesse de trembler.

— Tu es chez moi, sale petite garce, alors tu changes de ton.

Je recule d'un pas pour garder les deux femmes dans mon champ de vision. Visiblement, ce n'est pas qu'une simple plaisanterie qu'Andreia a fait, parce que je ne crois pas avoir déjà vu une telle colère de la part d'une sœur grise. Du moins, depuis la dernière fois qu'un chtonien ait osé demander l'antre de ses petites-filles, les gorgones, pour un rendez-vous. Ces vieilles pies sont de vraies mères poules et elles protègent farouchement leur repaire.

J'espère avoir le droit à une récapitulation accompagnée d'un bol de popcorn. 

°°°

Coucou, mais merde, j'ai failli oublier ! 😱 Bon finalement, le voilà ^^

Ô ! Lanterne, c'est pas le temps de me lâcherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant