30. Andreia

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Merde. Merde. Et puis merde !

Je suis frigorifiée, j'ai mal à la tête, j'ai été manipulée. Pourtant, mon cerveau n'arrête pas de me torturer avec ce détail : Jack m'a serrée contre lui. Un frisson me parcourt au souvenir de ses bras contre moi, sa chaleur qui m'a traversé, de son souffle sur ma nuque, son nez contre ma jugulaire.

Je crois que je fais des bouffées de chaleur alors que je ne suis pas censé être capable de souffrir d'un quelconque maux !

Je marche d'un pied rapide, les vêtements humides, je frissonne toujours de froid, mais je refuse de me changer ni de me faire sécher. Je sais Jack à quelques pas derrière moi, je suis trop consciente de lui, je suis clairsensitif de lui. J'entends trop bien son cœur battre, son pouls me parvient malgré la distance qu'il nous sépare. Sa respiration, ses mouvements, je perçois bien trop tout ce qu'il fait.

Je ne contrôle clairement plus l'intensité de mon pouvoir, le lien est bien trop sensitif. Je peux sentir sa chaleur, même si je suis glacée ; ses enjambés pleine d'assurance tandis que mes jambes sont douloureuses entre l'effort que je leur demande et ma température basse.

Je suis en plein paradoxe sensoriel et ça me donne le tournis. J'ai envie de toucher sa peau, je sais comment sont fait ses muscles. Un désir que je croyais être capable de gérer m'envahit, je ne contrôle plus rien. Je l'ai palpé, je sais comment son corps réagit lorsque j'enfonce mes ongles dans sa peau. Je pousse un gémissement alors que j'essaie de me sortir de la tête le fantasme qui prend forme dans ma tête.

— Andreia ?

— Rien ! m'égosillé-je.

J'accélère mon pas et je serre les poings, espérant que la douleur finisse par me ressaisir, mais on ne me laisse pas faire. Jack saisit mon bras de force et il m'oblige à faire volte-face. Je me retrouve à lui faire face, mais je regarde obstinément son torse plus bas. Nos grandeurs sont similaires, mais il me dépasse légèrement.

— Lâche-moi.

Je me débats, j'essaie de me soustraire de lui, mais il ne me laisse pas faire. Au contraire, il resserre son étau, je résiste. Toutefois, il ne me relâche pas, même lorsque je me recroqueville sous la douleur.

— Je vais avoir des bleus !

— Tu t'es vu, espèce d'idiote ?

Oh, ses lèvres sont bleues. C'est un rouge à lèvres coloré ?

Jack vient de me hurler dessus, j'en suis sonnée. Je lève les yeux, perdue, mais il est en train de se déshabiller. Je louche sur le corps qu'il dévoile le temps qu'il retire sa chemise. Il est musclé et il est mieux foutu que je ne le pensais, néanmoins, il n'y a pas que ça. Sa peau est abîmée par une vie humaine difficile, je crois voir des cicatrices, mais il ne me laisse pas le temps de les contempler. Il me passe de force une chemise si chaude que je pourrais croire qu'elle sort de la sécheuse, et non de lui. Une délicieuse odeur de braise me submerge alors qu'il m'habille du vêtement, puis il en fait de même pour sa veste de cuir. Les tremblements reprennent de plus belles, mais je commence à me sentir mieux.

Cependant, il se trouve lui torse nu à cette température.

— Tu vas attraper froid.

— Je suis du feu, je ne peux pas avoir froid, me sermonne-t-il.

Je fronce les sourcils, il n'a pas à me traiter comme une enfant. Je croise les bras et j'apprécie cette chaleur. Les sensations parasites s'amenuisent et je réalise que ça doit être dû à l'hypothermie que je ressentais quelques instants plus tôt.

Même si nous étions plus résistants, nous pouvons tous mourir une seconde fois. Toutefois, c'est très compliqué et la manière est unique à chaque être, il fallait le trouver. Même moi, j'ignorai comment on pouvait me tuer.

— Tu as perdu ta politesse dans le trou d'eau ?

Je sursaute à sa voix aussi dure et je balbutie :

— Euh.. non... Merci ?

Je baisse la tête, étourdie. Le vêtement est si chaud et il ne s'imbibe pas d'eau, je me demande pourquoi. Un coup d'œil vers Jack me dissuade de poser la question. Je soupire, prête à reprendre notre marche, mais l'homme Feu Follet ne me laisse pas faire. Il me retient encore au bras, plus gentiment que tantôt.

— ... C'est quoi ta véritable apparence ?

Je me fige à sa question, la panique m'électrocutant sur place.

— Que veux-tu dire ?

Jack grogne tout en roulant ses yeux avant de me vociférer :

— Ce que je veux dire : c'est quoi ta véritable apparence ? Tantôt, tu n'avais plus les cheveux blonds, j'ai senti ta magie flancher un moment. C'est même ta putain d'obstination à maintenir tes sorts qui puisent autant d'egeiro.

Il respire fort, je suis sans mots. Il me regarde dans le blanc des yeux et il demande plus calmement :

— Alors, que me caches-tu de si précieux pour être prête à te rendre vulnérable dans le trou paumé où nous sommes ? Si tu perds connaissance, on ne pourra pas revenir à la Cité. Tu nous mets tous en danger.

Une flambée de chaleur m'avertit que la Lanterne a très bien entendu cette phrase et la culpabilité fait son chemin en moi. Je sais qu'elle tient à lui, et je la comprends que trop bien. Je baisse les yeux, mais comment avouer un secret aussi honteux ? C'est tellement ridicule, mais si important pour moi... Les temps ont changé, mais le passé garde toujours ses traces indélébiles sur nous.

Je n'ai pas envie de leur parler, pas envie de leur raconter quelle est la profondeur de ce choix stupide, mais je leur dois une réponse.

Je secoue la tête et je murmure :

— Je suis désolée... À vous deux.

Je jette une œillade à chacun d'eux, puis je fais un pas de côté. Jack me retient toujours, mais il ne me fait pas mal. J'ai sans doute des marques, je sens ma peau trop sensible à sa poigne, mais je me dis... Que je le mérite peut-être.

— Merci encore pour ta chemise et désolée pour mon entêtement.

Je lui offre un petit sourire, gêné, peut-être même coupable, mais le regard surpris de Jack en vaut le détour. Je le trouve mignon, et mon sourire s'agrandit. J'en profite pour me libérer de sa poigne, puis je lance :

— Vite, trouvons Will-o, on a besoin d'elle.

Oui, je crois que je commence à bien l'aimer, cette Torche-sur-pattes.

Il est différent. 

Ô ! Lanterne, c'est pas le temps de me lâcherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant