18. Andreia

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Point de vue d'Andreia

Je frissonne. Jack est plus que furieux, ça lui brûle les veines, elle fait écho à ma propre colère jusqu'à la recouvrir. J'alterne mon regard entre les deux et je me demande ce qu'ils les relient. J'ai quelques fragments d'émotions éparses qui vont et viennent, mais je ne peux pas les comprendre sans l'histoire.

Ce ne sont que des mots sans intonation.

Alice soupire avant de répondre d'une voix traînante :

— Jack, tu sais que ce genre d'affaires ne s'ébruite pas. J'ignorai même que quelqu'un ait les moyens de s'en prendre au Feu Follet.

Son regard s'aiguise et son attitude change. On dirait un chat qui vient de trouver une souris.

— Sauf s'il y a une cagnotte au bout de la ligne.

Elle sourit doucement, mais cette fois, c'est moi qui perd patience. Je n'ai jamais été d'une nature patiente, posée, ce n'est pas pour rien que j'ai fini sur un bûcher, mais la nymphe me casse les ovaires.

Sans faire usage de ma magie, je m'élance sur elle avec une des armes de Jack. Un instant plus tard, nous sommes les deux immobilisées, chacune menacée par l'arme de l'autre.

— Écoute, la nymphe, je vais essayer de rester gentille, alors peux-tu répondre à nos questions pour que je puisse me barrer de ton bordel.

— Elle a le sang chaud, la sorcière.

Je me mets à ricaner et j'acquiesce :

— Que veux-tu, j'ai survécu au bûcher avant de me réincarner.

Le regard de la nymphe vacille à mes propos. Personne ne parle à la légère de son ancienne vie, et encore moins de la manière dont on meurt, mais moi je la banalise. Je suis prête à banaliser mes traumatismes pour lui faire perdre la face, parce que je ne laisserai plus personne n'avoir ce genre de pouvoir sur moi.

Peut-être cela fait de moi un monstre insensible à sa propre douleur, à celles des autres qui ont vécu un enfer similaire au mien, mais je suis prête à utiliser tous les outils à ma portée pour gagner.

— Tous les coups sont permis, non ? rajouté-je.

Une main se glisse sur mon coude, il est poli et je reconnais la main calleuse de Jack. Ses doigts plutôt fins pour un homme pressent gentiment ma peau et je le regarde.

— Andreia, ce n'est pas nécessaire. Elle va parler.

Jack sort un sac et le regard d'Alice change de tout au tout, elle s'empresse de demander :

— Serait-ce mon péché mignon ?

— Je ne viens jamais les mains vides quand je rends visite.

Je recule, mais mon regard continue de loucher sur le sac de velours. Je ne peux pas voir le contenu, mais je suis assurée que ce n'est pas l'œuvre d'une sorcière.

— Alors, qu'est-ce que c'est ? m'enquis-je.

Sauf qu'on me met directement sur la touche en m'ignorant. Vraiment, sans gêne ces deux-là.

— Je n'avais pas pris ces propos au sérieux, c'était impensable.

La nymphe secoue la tête, perplexe, voire presque dégoûtée. Jack fronce les sourcils et j'en fais de même ; de quoi s'agit-il ? De quoi parle-t-elle ?

— J'ai entendu des rumeurs, mais celui qui est derrière cela vient de la Cité de la Purge. Il est seul et il s'en est vanté qu'une seule fois, il cherchait quelque chose, mais je n'ai pas su quoi. C'est tout ce que j'ai entendu.

— Impossible.

Ma mâchoire se bloque sous l'énervement qui m'envahit, et elle ne vient que de moi. Je ne peux pas croire que la Cité de la Purge, une des cités dirigées par M. Inferno, on ne peut pas avoir laisser passer un taré comme celui-ci.

— Tout est possible, renchérit Alice.

Je m'apprête à attaquer la nymphe à ses mots, mais Jack me retient à temps. Je me débats, je rue le vide à coups de pied. J'ai cru que c'était Jack, j'ai cherché des indices pendant des années, comment n'aurai-je pas trouver le salaud derrière ces disparitions s'il était le territoire de M. Inferno.

Le Diable aurait dû le sentir si quelqu'un a à sa possession des Feu Follets, il peut retracer l'egeiro de n'importe quel Chtoniens sans le moindre problème, c'est même lui qui m'a donné l'emplacement de Jack dès qu'il est sorti de son trou.

Je me fige alors qu'une vicieuse pensée s'immisce en moi. Je secoue la tête, je refuse, ce n'est pas possible. Des voix me parlent, mais je les écoute distraitement.

Je baisse les yeux sur mes mains gantées dont les extrémités sont libres, ces bouts de tissus pour cacher ma marque, ma fierté.

Mais est-ce seulement vrai ?

C'est M. Inferno qui m'a recueillie lorsque je fus condamnée à ne jamais pouvoir aller au Paradis, même si j'étais innocente. Par ma faute, tout une rue a été incendiée, tant de gens sont morts même si j'ai pu sauver la femme qui me possédait à l'époque où l'esclavage était une réalité pour une femme comme moi. J'ai été torturée, tout le monde a menti, mais je suis la seule à avoir jurer devant Dieu que mes paroles étaient vraies.

J'avais pris le blâme d'un homme par amour et j'ai fini sur le bûcher, il m'a laissé tomber. C'est M. Inferno qui m'a recueilli, il a réconforté mon cœur brisé, il a pansé mon âme en colère contre l'homme qui m'a lâchement abandonnée derrière lui.

Il ne peut pas être impliqué, je ne veux pas y croire, mais le doute s'est installé.

Je ne sais plus quoi penser. 

Ô ! Lanterne, c'est pas le temps de me lâcherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant